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CONSEQUENCES DE L’ACCROISSEMENT DES EFFECTIFS SCOLAIRES DEPUIS 1960

1981 est l’année de création de ZEP (zones d’Education prioritaire) par le gouvernement de Pierre Mauroy. L’objectif est de « donner plus à ceux qui ont moins ».  Suite à un constat fait par des sociologues, leur rapport incite les dirigeants politiques à mettre en œuvre des mesures de discrimination positive comme aux Etats-Unis. Plus de moyens matériels, financiers et humains doivent permettre d’obtenir non pas une égalité des chances mais de réduire l’échec scolaire de certaines zones géographiques et par là même les différences dans les résultats scolaires. Ces mesures sont une des conséquences de cette « massification » des effectifs dans l’enseignement. Auparavant, dans les années soixante, de grandes enquêtes avaient déjà montré les différences dans les résultats et les inégalités sociales. Chaque élève en fonction de nombreuses variables : sociales, économiques, géographiques, n’a pas, même dans une société de services publics, la  même « destinée scolaire ». En effet, l’enquête de 1973, d'Alain Girard et Henri Bastide a montré l’influence de l’origine sociale mais aussi géographique dans les trajectoires scolaires des élèves. Les résultats de cette enquête furent l’objet d’analyses et d’interprétations diverses entre des sociologues et montrèrent en général des inégalités face à l’éducation dans une France qui voit grandir considérablement ses effectifs scolaires. A la même époque d’autres pays industrialisés firent de même et s’intéressèrent au développement et aux conséquences de la massification ; les rapports : Coleman en 1966 et Plowden en 1967 en Grande-Bretagne se consacrèrent à l’analyse de ces effets.

Des grandes réformes de structure ont accompagné la croissance des effectifs, et notamment la réforme Berthoin en 1959 qui créa le CEG (collège d’enseignement général), la réforme Fouchet en 1963 qui créa le CES (collège d’enseignement secondaire) avec ses différentes voies pour les élèves et la réforme Haby en 1975 avec le collège unique. De nombreuses autres réformes virent le jour pour accompagner et répondre à cette demande d’éducation croissante et importante.

Nous nous intéresserons dans notre étude aux effets de la massification des effectifs dans l’école primaire et le secondaire à partir des années soixante. Nous axerons notre analyse, en général, sur le cas français. Les conséquences de cette augmentation sont-elles à analyser en termes de résultats, d’égalité des chances, de remise en cause des missions fondamentales de l’école : socialisation, intégration, formation ? L’école de Jules Ferry et de la IIIe République qui prônait l’égalité, la gratuité, la laïcité et l’obligation, se retrouve-t-elle dans ses principes dans celle de la deuxième moitié du XXe siècle ?

Pour répondre à ces questions, c’est d’abord l’étude de l’école de masse dans tous ses aspects qui permettra de comprendre l’accroissement des effectifs, ensuite nous nous intéresserons aux effets de la massification, pour enfin aborder les résultats, en termes notamment de niveaux.La croissance démographique qui commença juste après la Seconde guerre mondiale, entraîne des bouleversements quantitatifs dans l’enseignement. De nombreuses réformes accompagnent ces multiplications d’effectifs. De ces changements, les sociologues en tirent des analyses différentes.

158 000 élèves furent inscrits en classe de sixième en 1950, trente ans plus tard,en 1980, ils étaient 870 000 enfants dans cette même classe, soit un taux de variation de plus de quatre cents pour cent. La croissance économique, appelée par J. Fourastié, les « Trente glorieuses », fut accompagnée d’une augmentation du taux de fécondité par femme, d’un besoin de main-d’œuvre de la part des entreprises qui firent appel abondamment à l’immigration. La taille des familles augmenta et la scolarisation des enfants se développa à partir des années soixante.

Le système éducatif français regroupe actuellement plus de douze millions d’élèves, avec 6,7 millions dans le premier degré et 5,7 dans le second degré et plus de deux millions dans l’enseignement supérieur, selon la Direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’Education nationale. Même si ces chiffres, selon les prévisions, seraient en légère baisse, ils témoignent d’une constante progression depuis le début des années soixante.

Cette explosion des effectifs s’est accompagnée de réformes structurelles importantes. C’est à partir de ces observations que Bernard Charlot a écrit le livre intitulé :  L’école et le territoire en 1994. Il montre que les transformations économiques et sociales ont contraint l’Etat à adopter des politiques différentes.

La IIIe République a fait naître un « Etat éducateur » grâce à Jules Ferry mais pour la période qui nous intéresse, l’Etat, selon B. Charlot, prit deux orientations. De 1959 à 1975, il fut un « Etat développement » accompagnant la croissance économique et depuis la fin des années soixante-dix, c’est un « Etat régulateur », ne pouvant assumer seul les lourdes tâches, il cherche plus à réguler et gérer qu’à être omniprésent.

La croissance économique et démographique, le besoin de main-d’œuvre, des réformes et lois nouvelles avec notamment l’âge de scolarité obligatoire qui passe à seize ans en 1959, ont bouleversé le paysage socio-éducatif français. La Ve République marque en particulier l’évolution éducative du pays. Nous sommes passés d’une école par ordres (primaire, secondaire), à une école par degrés (élémentaire, collège, lycée). L’esprit politique dans une démocratie fut toujours de favoriser l’égalité des chances. Mais les enquêtes et analyses ont montré des divergences sur ce point de vue.

Cette école de masse qui débuta au début des années soixante fut corrélative au développement d’une sociologie critique à l’université. Après les travaux fondateurs des « pères » de la sociologie et en particulier Durkheim qui écrivit : L’évolution pédagogique en France  ( paru en 1938), de nombreux chercheurs utilisèrent l’éducation comme un nouvel « objet » à analyser. L’après-guerre avait focalisé les travaux des sociologues sur les classes sociales et notamment les ouvriers, les années soixante analysèrent de nouveaux domaines. La masse des effectifs, les inégalités, la demande sociale, poussent à la recherche, souvent dans un but de conseiller les hommes politiques. Une plus faible  croissance des effectifs et un moindre mélange social auraient sans doute suscité moins d’intérêts chez les chercheurs. L’Education nationale commanda aussi des enquêtes de terrain pour mieux anticiper les changements et les réformes qu’elle avait engagés ou soumettre aux décideurs politiques. L’effort quantitatif provoque un besoin de connaissance, l’éducation devient  dès les années soixante,un objet à circonscrire.

La grande enquête d’A. Girard et H. Bastide en 1969 permet d’éclairer sur l’influence des variables sociales sur le parcours des élèves. De même, l’étude d’Antoine Prost dans l’agglomération orléanaise, montra les aspects qualitatifs et quantitatifs de la croissance des effectifs. Dans son livre : L'Enseignement s’est-il démocratisé ?, il conduit à la relative démocratisation des classes de sixième due à l’influence et au rôle des instituteurs, et à une démocratisation limitée dans la classe de terminale. La répartition entre les techniques et l’enseignement général  « reproduit » la répartition de la société en termes de classes sociales. Une des conséquences de la massification des effectifs dans l’enseignement est aussi la dynamique qu’elle créa dans le domaine de la recherche. Des effectifs moindres auraient eu des répercussions plus faibles. Les recherches sociologiques ont permis de montrer de nombreux effets.

Cette massification des effectifs qui a trois causes particulières, bouleverse les structures socio-économiques du pays. L’augmentation du taux de scolarisation qui découle de l’allongement de la scolarité obligatoire entraîne l’enseignement français dans un changement structurel. Pour accueillir tous les élèves qui n’ont pas les mêmes possibilités sociales, les voies de formation se diversifient, se développent, en effet, un enseignement technique à côté de l’enseignement général. Le projet, du moins en apparence, est d’unifier le système, l’exemple du collège unique en 1975, le montre. Cette « scolarisation » de la société est corrélative aussi de la société salariale. Des mutations importantes commencées au début du siècle, mais accentuées après la Seconde guerre mondiale voient disparaître ou se réduire des secteurs de l’économie. C’est notamment le cas du secteur primaire qui diminue fortement, provoque l’exode rural. C’est aussi la réduction du nombre des indépendants et la montée de la société salariale. La concentration des entreprises, la mondialisation progressive de l’économie, l’extension des compétences de l’Etat renforcent la demande de main-d’œuvre formée, compétente et adaptable. Ces deux mouvements, la montée de l’emploi salarié et la massification des effectifs sont simultanés et s’auto-entretiennent. L’emploi salarié par la sécurité qu’il procure, permet aux familles d’accorder un « temps social » plus long à leurs enfants. Période allouée aux études, nécessité d’obtenir un diplôme pour avoir un emploi, permettent la création d’une culture de la jeunesse. La massification des effectifs développe cette sous-culture. Olivier Galland dans Sociologie de la jeunesse montre les conséquences de l’accroissement des effectifs, par le temps scolaire qui devient plus important. De nouvelles valeurs sont crées, on peut parler d’une sous-culture juvénile qui montre un effet de génération. Les événements de mai 68  peuvent se comprendre comme une mobilisation collective de la jeunesse contre les valeurs de la société de l’époque.

La massification entraîne des transformations sociales importantes dont la création d’une sous-culture jeune. Mais la Jeunesse est-elle uniforme, n’existe-t-il pas des jeunesses, des groupes sociaux privilégiés ?

L’Etat français depuis le début des années soixante a clairement l’intention de démocratiser l’enseignement. La salarisation, la demande de qualification des entrepreneurs, la modernisation de la société, font que le besoin de diplôme se fait de plus en plus prenant. Le budget du ministère de l’Education nationale augmente, il est passé de 4,5 % du PIB à 7 % en 1993. La démocratisation se fait aussi dans l’enseignement supérieur. En effet, les étudiants étaient près de un million dans les années soixante-dix, ils sont plus de deux millions en 1993. Mais cette démocratisation demeure très inégalitaire et les différences sociales sont fortes. La massification a permis aux fils d’ouvriers d’accéder plus facilement aux études, d’être bacheliers, par rapport à leur père, mais les écarts « se creusent » entre catégories sociales.

F. Héran dans un article d’Economie et Statistiques de 1996 : « Ecole publique, école privée : qui peut choisir ? » s’appuie sur l’enquête Education menée par l’INSEE et l’INED en 1991-1992. Celle-ci permet à F. Héran d’analyser des données sur les trajectoires scolaires des élèves qui fréquentent les deux réseaux public et privé. Il distingue globalement deux types de population : « Une majorité qui ne choisit guère » et des « minorités choisissantes ». les minorités qui choisissent les établissements scolaires représentent 25 % de la population des familles. « Indépendants et enseignants font les choix les plus actifs ». Les enseignants de par leur proximité sociale rencontrent volontiers les autres enseignants. Certaines catégories sociales choisissent aussi des options rares pour contourner la carte scolaire. Tous ces exemples montrent une des conséquences de l’accroissement des effectifs. Même avec la volonté de démocratiser l’enseignement, l’Etat ne peut empêcher les stratégies des familles « choisissant ».

Cette conséquence de la massification remet en cause le « modèle républicain d’égalité des chances ». l’école est-elle toujours un service public ? D’après l’article de F. Héran, certaines populations mieux formées et informées profiteraient des avantages du système éducatif, laissant à la grande majorité une absence de choix.

La sélection faite par les familles, conséquence de la massification, montre clairement le problème des niveaux. Même si C. Baudelot et R. Establet dans leur livre : Le niveau monte en 19899, montrent l’augmentation du niveau scolaire et des épreuves demandées aux élèves, ils concluent quand même à l’accentuation des écarts entre catégories sociales. Les contenus étudiés sont différents entre les disciplines et les lycées. Les disciplines de l’enseignement général d’un lycée de centre-ville sont différentes des matières enseignées dans un lycée professionnel et technique d’une banlieue à difficultés. En apparence, de plus en plus de personnes accèdent au baccalauréat, mais comme le montrent les deux auteurs, l’enseignement est différent.

Ces deux auteurs nous éclairent aussi sur l’augmentation du taux de scolarisation des filles dans un autre livre : Allez les filles, ainsi que M. Duru-Bellat dans : L'Ecole des filles. Les chercheurs montrent une autre conséquence de la montée de la scolarisation qu’est la féminisation des effectifs. Les filles, par la contrainte de la scolarisation obligatoire, la libéralisation de la femme, la montée du secteur tertiaire, l’évolution des mœurs de la société, poursuivent des études et voient leur part dans les effectifs scolarisés s’accroître.

Cette conséquence de la scolarisation des filles entraîne une demande sociale nouvelle en terme d’emplois. Les femmes sont désormais mieux formées, plus exigeantes, désirent occuper les mêmes postes au même salaire. Elles peuvent plus facilement se mobiliser, s’insérer dans le monde politique, faire entendre leur voix. La femme « moderne » a l’image que les médias aiment véhiculer, essaie de concilier vie de famille et travail professionnel. C’est une des conséquences de l’augmentation des effectifs. Cela passe aussi par un coût social plus élevé en termes de mobilité pour la collectivité. Des infrastructures ont dû se mettre en place, comme les crèches pour accueillir les très jeunes enfants. Ces conséquences entraînent ainsi des frustrations et des contre-pouvoirs.

Cette massification des effectifs aurait généré, comme le montre l’exemple américain, une culture critique provenant de l’émergence et du développement de la classe moyenne. La répartition par ordre de l’Ancien Régime n’a plus cours dans la société moderne, par contre, le progrès technique, la tertiarisation de l’économie, le développement des mass-médias sont concomitants de l’extension de la classe moyenne. L’accès plus facile à l’université, qui fut notamment dans les années soixante critique vis-à-vis du pouvoir, a permis le développement d’une culture critique.

Les salariés, enfants du baby-boom de l’après-guerre, ont changé, ils n’acceptent plus ce que leurs parents supportaient. Mieux formés, plus instruits, ils participent plus activement à la vie de la cité, comme l’exemple de l’expansion du nombre d’associations le montre.

De plus, dans un livre sous la direction de F. Chazel : Action collective et mouvements sociaux, en 1993, les auteurs expliquent le phénomène de la mobilisation collective. Ils montrent que les « nouveaux mouvements sociaux » sont nés après mais 68, dans un « contexte de critique culturelle radicale et de rupture politique ». La montée de la classe moyenne, favorisée par l’accroissement de la scolarisation, modifie les bases idéologiques de la société. L’action collective pour demander des revendications de cette classe et la réponse donnée par le pouvoir en place, montrent la réalité de la situation qui n’existait pas auparavant. C’est une des conséquences de l’accroissement des effectifs qui provoque une certaine volonté d’homogénéisation des classes sociales même si celles-ci perdurent toujours mais sous des formes plus discrètes.

Les conséquences de la massification des effectifs sont nombreuses dans les sociétés occidentales. L’Etat doit faire face à cet accroissement, c’est une de ses missions, mais elle reste souvent quantitative. Il essaie d’adapter les infrastructures, mais les inégalités demeurent et se reproduisent. Les familles ont des comportements stratégiques pour éviter l’échec scolaire, l’enseignement n’est pas forcément démocratique. Le modèle républicain d’égalité des chances est remis en cause par les conséquences de la massification.

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