Solidarités mécanique/organique : transformation, division du travail conscience collective, cohésion sociale, renforcement /affaiblissement des rapports sociaux. groupe social, anomie, pauvreté, marginalité sociale, déviance, rôle des institutions (primaires, intermédiaires : familles, syndicats) cours de SES première terminale sciences économiques et sociales Emile DURKHEIM

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CONFLITS DU TRAVAIL ET CHANGEMENT SOCIAL

Confrontée à de graves difficultés financières, la compagnie nationale de transports aériens Air France accumulait (en 1993, depuis la compagnie a su évoluer et va beaucoup mieux, c'est une des entreprises leader dans le monde depuis l'accord avec KLM) les plans sociaux depuis trois ans, d’abord mille suppressions d’emplois en 1991, presque deux mille en 1992, et encore mille suppressions d’emplois supplémentaires au premier semestre 1993. Le personnel est déstabilisé, un nouveau plan annoncait quatre mille suppressions de postes supplémentaires d’ici fin 1994, le doute et l’inquiétude grandissaient, le statut et le pouvoir d’achat des salariés étaient remis en cause. La grève éclata en octobre 1993, le personnel au sol envahit les pistes pour la première fois... Dans le conflit du travail du personnel d’Air France, la grève était un moyen pour s’opposer au nouveau plan social de la direction de la société. Il y a antagonisme entre les revendications des salariés qui s’opposent aux suppressions de postes et le plan stratégique des dirigeants.

Le conflit se distingue par la nature de ses enjeux, dans le cas d’Air France, il y a une opposition aux réductions d’effectifs, à l’augmentation du temps de travail (maintenant avec la RTT la loi a évolué) et à la diminution du salaire nominal. Le changement social est une notion sociologique plus globale, on peut s’intéresser aux conditions du changement, à ses formes (processus linéaire ou cyclique) et au moteur du changement. Les conflits du travail sont-ils une des causes du changement social ? Le changement social est-il déterminé par des causes exogènes ou endogènes ? Dans une première partie de l’exposé nous verrons la corrélation entre les deux notions conflits du travail et changement social. Dans une deuxième partie, nous essayerons de montrer que le changement social est une notion beaucoup plus complexe et qu’il faut s’intéresser à d’autres facteurs.

Pour les pères fondateurs de la sociologie, la notion de conflit est très importante, en particulier pour Karl Marx. Dans la rédaction du Manifeste du Parti communiste qu’il rédige avec son ami Friedrich Engel, Karl Marx assimile l’histoire à l’histoire de la lutte des classes. Pour Karl Marx, la recherche du profit des capitalistes, la propriété  des moyens de production, l’exploitation de la valeur ajoutée qui provient du surtravail des salariés, entraînent forcément des conflits. Les capitalistes constituent la classe dominante (voir les analyses de Bourdieu pour le monde contemporain), les travailleurs, la classe dominée. Pour Karl Marx, les premiers cherchent à exploiter les seconds qui se révoltent en retour. Les travailleurs ont différents moyens pour s’opposer aux détenteurs des moyens de production, ils font la grève, ils occupent les locaux, les usines, ils essayent de s’approprier les moyens de production, ils peuvent éventuellement séquestrer des dirigeants. Nous sommes dans une société bipolaire. Les conflits du travail, cette lutte des classes, ont pour conséquence la transformation des r apports économiques. Le pouvoir politique prend en compte les revendications des salariés et fait voter de nouvelles lois pour assouplir les conditions de travail. Ce fut le cas notamment en France avec la loi de 1936 (Front populaire : 70 ans en 2006) sur la semaine de quarante heures, en 1956, avec la loi sur les congés payés de trois semaines obligatoires. En 1969, après les événements de mai 1968, une loi fut votée sur la généralisation des congés payés de quatre semaines. Dans les années quatre-vingt, de nombreuses lois furent votées et on peut citer notamment, la baisse de la durée hebdomadaire du travail, la cinquième semaine de congés payés, l’abaissement de l’âge de la retraite, les lois « Auroux » sur l’expression des salariés…

Ces transformations des conditions de travail ont entraîné un changement social. Pour les partisans du marxisme social, le conflit et le changement social qui en résulte, s’expriment en termes de classes sociales, de lutte des classes, de ruptures, de consensus, dissensus.

Le processus de remplacement des classes prend-t-il toujours la forme d’une lutte ? La vision marxiste n’est-elle pas un peu réductionniste ? Les facteurs du changement social sont-ils uniquement exogènes ? La conception Durkheimienne de l’intégration sociale nous éclaire sur le changement social.

Pour Emile Durkheim, un des pères fondateurs de la sociologie française, la division du travail social entraîne un changement de société caractérisé par une solidarité organique. Les sociétés traditionnelles ont une solidarité mécanique, elles prennent souvent la forme de communautés, où tout le monde se connaît, il y a une conscience collective qui permet le contrôle social. La dimension de l’ordre est verticale. Le changement social est plutôt rare, les rôles des acteurs sont souvent acquis à la naissance, ce qui implique peu de changement même en cas de conflit. Dans nos sociétés modernes, la solidarité résulte de la multitude et de la complexité des relations humaines. C’est une solidarité organique qui provient en partie de la division du travail, de la spécialisation  des tâches, de la parcellisation du travail.

La dimension de l’intégration est horizontale. E. Durkheim a une vision évolutionniste du changement social. Le conflit n’apparaît pas comme le moteur du changement, pour lui, le changement social est lié au changement de société qui lui-même est lié à la division du travail social. Toujours parmi les pères fondateurs, Max Weber voit dans la lutte des  acteurs sociaux, la volonté d’imposer leur pouvoir. D’après lui, les individus sont en conflit permanent pour accéder à un statut supérieur. Le conflit permet la conquête de ressources de pouvoir, de prestige et de richesses. M. Weber établit un lien étroit entre conflit et changement social. Le conflit est le moteur du changement, il permet à l’individu de s’élever dans la hiérarchie sociale, d’avoir plus de prestige. La vision de M. Weber, rejoint le darwinisme social de la lutte pour la vie avec la survie des meilleurs. C’est une vision assez pessimiste. Par contre, Georg Simmel voit dans le conflit un processus de sociation. Pour lui, les facteurs de dissociation sont des causes de conflit. A travers la destruction, le conflit a pour mission de reconstruire une unité, il est pleinement normal pour le fonctionnement de la société. De nos jours, en cas de conflit majeur, il y a effectivement un souci de la part des protagonistes de repartir sur de nouvelles bases, de reconstruire après trouvé un accord.

Dans la sociologie contemporaine, pour Charles Tilly, les conflits du travail ont un objectif purement politique. La grève est, d’après lui, manipulée, influencée par les syndicats qui eux, sont influencés par les organisations politiques. Les partis politiques de gauche veulent s’opposer à l’Etat et ils utilisent les syndicats qui déclenchent les grèves. Il y a une stratégie de confrontation avec l’Etat en France. Le changement social qui en découle est-il une conséquence de ces conflits ? Dans le cas d’Air France, nous avons vu la difficulté des syndicats de contrôler le mouvement à la base. Pour Michel Crozier, qui a étudié les relations de travail notamment dans l’administration, les conflits sont retardés. Sa thèse est la suivante : les dysfonctionnements de l’administration française seraient liés à une hiérarchie trop lourde qui elle résulterait de la peur du face à face dans les relations de pouvoir. Les conflits ne seraient pas souhaités, ce serait plutôt l’immobilisme que le changement social.

Karl Marx disait : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes des classes ». Pour lui, il est clair que la lutte des classes est le moteur unique du changement social. Les prolétaires s’opposent aux capitalistes, le travail au capital. La vision de Karl Marx est réductionniste, l’origine du changement est multiple et complexe. Les conflits du travail provoquent un changement social mais les causes du changement peuvent être aussi endogènes. Les conflits du travail et le changement social sont deux phénomènes fortement liés, le changement social est un fait social total, les conflits du travail en constituent une de ses causes qui sont multiples au sein de la société.

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