SARKOZY GAUCHE DROITE PRESIDENCE CANDIDATS BALLOTTAGE MINISTERES MINISTRES ELIRE POLITIQUE ELYSEE ABSTENTION VOTE SOCIOLOGIE DU VOTE ELECTORAL rôle des institutions (primaires, intermédiaires : familles, syndicats) cours de SES première terminale sciences économiques et sociales

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Peut-on et comment expliquer l’abstention ?

 

« Bonnet blanc et blanc bonnet », le parti communiste français (PC) exprime par l’intermédiaire de son secrétaire général le sentiment des militants et sympathisants communistes au cours de l’élection présidentielle de 1969. La majorité de l’électorat communiste s’abstient, on enregistre un taux record d’abstention à ce scrutin.

Mgr Fleury, évêque de Nancy déclare en 1945 : «  s'abstenir sans une impossibilité absolue, telle que la maladie, serait un péché mortel », cité par S. Bonnet dans son livre : Sociologie politique et religieuse de la Lorraine. Pour Mgr Fleury, l’abstention est une faute plus grave que le « manquement à la messe dominicale ». La pensée de J.- P. Sartre est plus provocatrice et donne pour titre, en reprenant un slogan de mai 1958, « Elections, pièges à cons » un article de la revue Les temps Modernes de 1973. Il dénonce le vote, l’attitude des partis et les idées « machiavéliques » des dirigeants.

Les analyses de l’abstention se partagent entre une approche centrée sur l’individu, ses droits supposés rationnels et une vision plus déterminante où l’individu serait plus ou moins manipulé. L’abstention varie aussi fortement suivant les modes de scrutin, les enjeux, le type de consultation, leurs fréquences, le pouvoir en place, la taille de la circonscriptionAndré Siegfried, en 1913 dans son ouvrage resté célèbre : Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, commente cette analyse des mouvements électoraux.

L’un des actes premiers de la participation politique est le vote, mais nous pensons aussi nous interroger quand les individus ne remplissent pas leur « devoir » électoral. L’abstention ou l’action de s’abstenir de faire, d’agir, de manifester, peut-être analysée dans de nombreux domaines de la vie sociale. On peut s’abstenir, se mettre en retrait dans un mouvement revendicatif ou ne pas s’inscrire sur une liste électorale et/ou ne pas voter. A. Lancelot, dans on livre de 1968 :  L’abstentionnisme électoral en France, s’intéresse à ce phénomène dans notre pays. L’abstention sera définie comme une non-participation malgré la pleine jouissance du « droit ».

Nous limiterons notre étude essentiellement au cas français en nous aidant des études américaines sur la question. Les données empiriques seront prises dans les participations électorales en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le phénomène de l’abstention sera consacré aux élections.

L’abstention exprime un refus, involontaire, inconscient ou calculé. Est-il toujours exprimable ? Les théories qui postulent comme hypothèse soit un individu rationnel, soit une logique de « domination » sont-elles pertinentes pour décoder l’abstentionnisme et sa dimension plurielle ?

Nous nous attacherons à analyser l’abstention électorale en France depuis 1945 en essayant de voir l’évolution, les facteurs sociaux qui ont pu la transformer. Nous cernerons ensuite ce problème en confrontant les théories élaborées aux Etats-Unis et en France.

L’analyse de la participation électorale en France permet l’étude de l’abstention.

L’abstentionnisme évolue en France depuis 1945.

63 % d’abstentions en 1988 pour le référendum sur la Nouvelle-Calédonie suite aux accords de Matignon, l’abstention en France connaît pour la première fois son taux le plus élevé depuis que le suffrage universel existe. Pierre Brichon, en 1995, dans La France aux urnes, cinquante  ans d’histoire électorale, avant d’étudier l’abstention s’intéresse à la non-inscription sur les listes, ce qu’il appelle le phénomène de « retrait électoral ». Il constate que la reconnaissance du droit de vote féminin en 1945 fait passer la population qui dispose du droit de vote de 12 millions en 1936 à 25 millions après la guerre. Une seconde mesure augmente cette population avec l’abaissement de la majorité de 21 à 18 ans en 1974.

« Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique », cette phrase est inscrite sur la carte électorale, mais l’inscription sur une liste électorale n’est pas automatique, l’individu doit la demander. P. Brichon considère les non-inscrits comme des « abstentionnistes alligators » et s’intéresse aussi aux « mal inscrits », ceux qui ont de fortes chances de ne pas voter car ces personnes sont « inscrites loin de leur domicile ». A part ces deux catégories, l’abstentionnisme en France peut être étudié d’une façon diachronique.

L’évolution de l’abstention en France peut être analysée en fonction du type d’élections. L’élection présidentielle au suffrage universel direct connaît, en France, une forte mobilisation. Les taux d’abstention sont bas. En 1965, le Général de Gaulle se présente pour la première fois avec ce type de scrutin et l’abstention est faible malgré le succès attendu du général. En 1969, après les événements de mai 68, et aux deux candidats sans véritable opposition, A. Poher  et G. Pompidou, l’élection présente une forte abstention pour une élection présidentielle. Les consignes de vote du parti communiste influencent les sympathisants de ce parti, la disparition du Général de Gaulle de la scène politique, l’après-mai 68, peuvent expliquer une relative forte abstention. En 1974, après la mort de G. Pompidou, l’élection présidentielle retrouve sa forte mobilisation. La dramatisation  de l’élection par certains redoutant un « changement de société », le développement des médias et notamment de la télévision et ses débats, la forte opposition de deux personnalités peuvent expliquer cette forte mobilisation.

Pour les élections législatives le taux d’abstention varie fortement en fonction des années. Les années 1967, 1973 et 1978 sont fortement mobilisatrices, en revanche,  les années 1962, 1981 et 1988 connaissent un plus fort taux d’abstention. En 1958, l’abstention fut élevée et égale à 25 %, au second tour du scrutin, une explication possible est qu’elles suivaient le référendum constitutionnel qui a obtenu une faible abstention.

L’abstention varie suivant la conjoncture, l’offre politique, les consignes de vote des partis politiques, le mode de scrutin, le type d’élections, la lassitude, le « sentiment d’avoir déjà exprimé son orientation »,…même pour une élection, on constate suivant les années de fortes variations. Ces variations ont-elles des significations dans l’analyse politique des élections ?

L’abstention exprime  différentes volontés du corps social.

Même si comme l’écrit P. Bourdieu dans Questions de sociologie : « l’âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable », on constate que le taux d’abstention est plus fort chez les jeunes et chez les personnes de 75 ans et plus. Cette forte abstention est correlée avec le degré d’insertion des individus dans la société. les étudiants pensent peut-être que leurs représentants politiques témoignent peu de leurs occupations, préfèrent-ils une action moins médiate et plus revendicatrice ? les personnes âgées peuvent avoir des difficultés motrices et juger ainsi le fait de voter comme secondaire (« ce n’est pas la peine... »).

Mais si le taux varie avec l’âge, il est différent suivant les catégories socio-professionnelles. On constate que pour l’élection présidentielle de 1974, 29 % des ingénieurs ont voté à gauche avec 19 % ayant une origine cadres moyens et supérieurs et 42 % venant de milieux ouvriers ou employés, (cité par Ch. Henry dans la revue Ecoflash, « Le comportement électoral en question ». Plus le statut professionnel est élevé moins on s’abstient, et l’absence de statut valorisé favorise l’abstentionnisme (chômage, emploi précaire, temps partiel).

L’étude de la géographie électorale permet de voir des différences suivant les régions. P. Bréchon remarque que l’Est de la France (sauf le Sud-Est) est plus abstentionniste que celle de l’ouest. L’abstentionnisme se manifeste plus fortement dans les grandes villes que dans les zones rurales.

Pour F. Subileau et M.F. Toinet, dans un article intitulé : « Le sens de la participation électorale »,  L’état de la France 93/94, l’abstentionnisme s’explique surtout par un comportement conjoncturel et moins par des causes structurelles comme « l'urbanisation, précarité de l’emploi, immigration, déclin des idéologies traditionnelles ». Ce que P. Bréchon appelle un « abstentionnisme de conjoncture » et introduit la notion de rationalité. L’individu ferait son choix de participer ou non en fonction de l’enjeu de l’élection. Une étude réalisée par Jean Morin dans les Données sociales de 1990, montre que sur quatre élections nationales, 37 % ont voté à trois élections sur quatre et 8 % seulement se sont abstenues sur l’ensemble des élections. L’élection présidentielle mobilise fortement tandis que le référendum de 1988 a connu un taux exceptionnel d’abstention. Certains électeurs peuvent s’abstenir pour donner « un avertissement au pouvoir en place ».

En examinant les résultats des différentes élections en France depuis 1945, on peut observer certaines constances. Une abstention qui varie en fonction du type de co… ?? même si certaines exceptions sont révélées. La présidentielle connaît une faible abstention, en revanche les élections cantonales et européennes ou les référendums (sauf exception) mobilisent peu les inscrits. La non-inscription sur les listes électorales est une abstention de fait. Les caractéristiques sociales des individus peuvent fournir des explications de l’abstentionnisme. Le statut professionnel, le diplôme, le sexe, l’âge… peuvent aider à dégager un modèle type de l’abstentionnisme, il reste à le détailler.

Des théories différentes expliquent le phénomène d’abstention.

« le social est premier par rapport à l’individuel » (Favre, 88)

Le célèbre paradigme de Michigan développé par A. Campbell, P.Converse, W.Miller et D.Stokes dans The American Voter en 1960, analyse l’électorat américain des années cinquante. L’identification partisane permet de prédire le vote. L’individu partageant les choix politiques du Parti républicain reste républicain sans trop s’intéresser à l’offre politique concurrente,  sans rechercher une information objective. Il manifeste un faible intérêt pour la politique selon ce modèle. Les variables « lourdes » comme la pratique religieuse, le patrimoine, déterminent les choix politiques des individus. Cette analyse révèle un individu conditionné et l’abstention peut être expliquée comme une relative « apathie ». Moins l’individu est socialement  intégré dans la société, plus forte est l’abstention électorale. Cette vision est essentiellement centrée sur les Etats-Unis des années cinquante. Peut-elle expliquer les comportements des Français ?

D.Garin, sous l’influence de P. Bourdieu, dépasse cette analyse en termes d’intégration structurelle pour approfondir l’idée que la participation et donc l’implication dans la vie politique serait fonction du rapport classiste ??. Pierre Bourdieu dans un article : «  Espace social et genèse des classes » in Actes de la recherche en sciences sociales (84), analyse le rapport entre l’individu et le « monde social » comme « le sens de la position comme sens de ce que l’on peut ou que l’on ne peut pas se permettre ? ». P. Bourdieu, D.Garin élaborent le paradigme de « domination ». Plus la position sociale est élevée, plus les individus participent et inversement, plus un individu est socialement « dominé », plus forte est son abstention, sentiment de « ce n’est pas pour nous ». Il faut relativiser cette approche, des individus peu diplômés par exemple, peuvent être fortement participatifs et un individu qui est peu impliqué ou en retrait dans son travail, peut avoir une vie privée fortement sociale et prendre parti.

Avec le paradigme de la « domination », nous pouvons expliquer l’abstentionnisme d’un groupe social par le sentiment d’incompétence, face au pouvoir politique qui lui-même serait consciemment construit par une « classe » structurellement mieux dotée. A. Lancelot, dans L’ Abstentionnisme électoral en France, publié en 1968, analyse la non participation comme fonction du degré d’intégration sociale. Analyse reprise par N. Mayer et P.Perrineau, dans Les comportements politiques, « La participation politique de l’individu procède alors de son degré d’intégration à la collectivité ». Cette vision peut-elle rejoindre celle d’un individu rationnel ?

L’homo politicus est un individu rationnel.

L’individu dans ce type d’analyse prédomine sur les forces sociales. L’individu réfléchit à ses choix,  il oriente son action en fonction d’un  calcul personnel. L’individu n’est plus « prisonnier des déterminants sociaux ou psychologiques ». L’abstention serait le résultat d’un calcul raisonné. Des auteurs américains, Nie, Verba et Petrocik ont noté une crise des identités partisanes aux Etats-Unis et trouvent le paradigme de Michigan dépassé. Dans The Changing American Voter, en 1976, ils observent que le vote ou la non participation sont de plus en plus fonction des enjeux de l’élection, serait-ce l’amorce d’une démarche individuelle dans les choix politiques ?

L’individu rationnel vote pour le parti qui maximise son utilité. L’analyse est basée à partir du modèle de l’homo economicus développé par A. Downs dans son livre : An Economic Theory of democracy en 1957. Si l’individu en faisant son calcul en fonction des contraintes qui lui sont imposées, pense qu’il est inutile d’aller voter, l’abstention augmentera. Cette analyse est proche de celle de l’équilibre général en économie où une offre rencontre une demande sur un marché spécifique et un ajustement se fait en fonction de différents facteurs.

Ch.Henry dans la revue Ecoflash, « Le comportement électoral en questions » (92) se pose la question de savoir « si le comportement le plus rationnel serait précisément de ne pas se rendre aux urnes ». La réponse est donnée notamment dans les travaux de J.Buchanan et G.Tulloci, The calculers of consent, en 1962. Pour eux, il est « irrationnel » de voter.

L’homo politicus est un électeur rationnel, l’abstentionnisme s’expliquerait par une offre politique insuffisante.

L’abstention peut s’expliquer et différentes théories ont été élaborées. Les modèles américains ont influencé la recherche française. Certains modèles sont maintenant obsolètes, chaque analyse n’est valable que pour une période donnée. L’individu est-il rationnel ou influencé par une culture dominante ? La réponse est plurielle, chacun adopte une attitude différente en fonction du type  de consultation. On peut remarquer un abstentionnisme stratégique et rationnel pour des élections locales dans les grandes villes, l’individu  préférant passer son dimanche à la campagne et un abstentionnisme structurel pour ceux qui sont socialement exclus de la société. G. Lipovetsky dans son livre : L’ère du vide, titre un de ses chapitres par : "l’indifférence pure"  on peut s’interroger sur le « contenu » réel de l’abstention.

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