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Approches sociologiques
des milieux professionnels Article de F. Dubost : "les paysagistes et l’invention du paysage" in Sociology du travail, n°4 – 1983 Les « gens de métier » définissent le premier groupe
de François Dubost. Les premières
générations furent formées par la section Paysage de l’Ecole
de Versailles, les premiers enseignants étaient des maîtres-jardiniers.
Pour ce groupe de paysagistes, la profession se définit
comme un métier. Les « gens de métier » revendiquent
fortement leurs origines et leurs compétences, se sont des spécialistes
du végétal. Les paysagistes « c’est d’abord un
planteur ». Ils mettent en avant le côté pratique, l’apprentissage
par le terrain et non sur le banc des écoles. Le diplôme n’est
pas le seul droit d’accès à la profession. La théorie est reléguée
car se sont des autodidactes. La transmission du savoir et surtout
du savoir-faire, se fait de père en fils. La tradition familiale
est forte. L’identité se traduit par le sentiment d’appartenance
à une communauté où l’individu est socialement reconnu
par ses pairs. Gagner de l’argent est une marque du succès
et est un des objectifs principal de ce groupe. L’identité collective est forte, elle s’appuie sur une
organisation, même si la plupart des membres préfèrent leur liberté,
elle s’appuie surtout sur une parfaite connaissance du métier
lié à l’acte de planter. Cette identité se développe aussi à travers
une opposition à ceux qui ne savent pas planter. « Si
on ne sait pas ça, on n’est rien ». Les « professionnels » accordent à l’écologie
une place importante. Ils souhaitent ainsi prendre en compte dans
leurs travaux tous les éléments naturels (sol, air, lumière),
par opposition aux architectes qui ne s’intéressent qu’au
construit. Ils ont introduit des disciplines comme l’économie
et la sociologie pour mieux comprendre et analyser l’environnement
social. Après une contraction de la commande publique, les « professionnels »
du privé (entreprises commerciales, paysagistes libéraux), et
du public (ingénieurs), ont fait en sorte de sauvegarder leur
territoire, notamment dans les collectivités locales. Ils ont
cherché à fédérer un maximum de participants, la Fédération française
du Paysage fut crée à l’issue d’états généraux et remplace la
Société française des Paysagistes. En cherchant à augmenter leurs
effectifs, les « professionnels » ont réussi à accroître
leur légitimité sociale, surtout auprès des Pouvoirs publics.
Ils se battent contre les commerciaux et les architectes. Les « artistes » sont nés après la suppression
de la section du Paysage et avant la création de la nouvelle Ecole
en 1976 avec l’aide d’un centre de recherche (CNERP). Les origines
des professeurs sont diverses et liées aux arts plastiques,
ce qui donne une forte dimension esthétique à la formation des
élèves. Le métier est analysé comme un art où il faut réfléchir
dès la conception, avoir une « théorie du paysage »
tout est pris en compte, c’est « l’art social ». L’artiste est un créateur, il faut preuve d’imagination. La
compétence technique est indissociable de la création artistique.
Il faut posséder une « pensée passagère ». Les
« artistes » se réfèrent à de grands jardiniers
comme A. Le Nôtre, élève de
S. Vouet ou de Hubert Robert. Il faut aussi privilégier l’abstraction
la plus complète, réfléchir sur des plans. Leur légitimité professionnelle
joue sur l’abstraction sur le côté esthétique de leur réalisation.
Leur identité professionnelle essaie de se renforcer en participant
à de nombreux concours de prestige. L’objectif est plus de « participer »
que de remporter un contrat, il faut figurer dans les catalogues,
se faire connaître dans le milieu professionnel. Ils essaient
aussi d’utiliser un langage ésotérique pour se différencier, faisant
référence à la philosophie ou à la sémiologie. Les facteurs qui pourraient compromettre l’avenir de la profession
sont nombreux et en particulier nous notons : un risque d’inadéquation
entre les candidats pour entrer à l’Ecole Nationale Supérieure
du Paysage et les titulaires d’un DEUG universitaire qui sont
mal préparés pour intégrer cette école. Les transformations de
l’enseignement peuvent être un facteur de l’hétérogénéité des
membres de la profession. Les différentes organisations professionnelles s’opposent,
nous remarquons un « noyau dur » d’adhérents
aux deux organisations de paysagistes. La Chambre nationale des
Paysagistes-Conseils (libéraux) et la Société française de Paysagistes
(libéraux et salariés
de la fonction publique). On peut noter que 262 personnes sont inscrites au répertoire
des paysagistes, elles sont peut-être moins solidaires
que les membres des organisations professionnelles. La contraction
de la commande publique touche les libéraux et les salariés, chacun
essaie de maintenir ses positions. La clientèle privée est beaucoup
trop faible, il faudrait développer les travaux dans cette voie. Il y a une forte concurrence en particulier avec les entreprises
commerciales, avec les ingénieurs agricoles, les urbanistes, les
architectes qui cherchent à rapprocher l’espace vert du construit.
On note aussi un problème d’appellation d’architecte-paysagiste. Avec l’aide
du plan type d’étude de Dubost et d’un article de Paul Bouffartigue
sur les ingénieurs paru dans la Revue française de sociologie
(janvier, mars 94), nous pouvons mieux comprendre l’identité d’une
profession. Nous analyserons le métier d’ingénieur
en développant trois phases : la formation, l’organisation
de la profession et l’inventaire de la profession. L’étude de la formation des ingénieurs est intéressante, la
sélection est précoce et certaines filières du baccalauréat, permettent
d’intégrer les classes préparatoires scientifiques ou de gestion
et ensuite, après le concours d’une grande école. Cette sélection sur des matières scientifiques (mathématiques
en particulier) a un revers. Elle oriente des jeunes gens vers
une profession sans en avoir éprouvé la vocation. Ils n’ont
pas d’attirance spécifique pour les disciplines techniques ce
qui les conduit parfois à choisir une école généraliste pour différer
la spécificité de leur discipline. Ceci peut aussi avoir des répercussions
pour les prochains candidats et provoquer un évitement ou un délaissement
des formations trop spécialisées. Notre système éducatif hiérarchisé privilégie aussi les savoirs
théoriques et abstraits. La valeur sélective des savoirs l’emportant
sur leur valeur formative. F. Dubost a bien montré que les élèves
« consomment » la formation au détriment d’une
quête de réalisation de soi. Ils sont utilitaristes. Le manque
de professionnalisation de la formation accroît aussi l’inadéquation
entre les attentes des chefs d’entreprise et le monde de l’éducation.
Un moment important au sein des grandes écoles est la période
de bizutage de nouvelles recrues. La socialisation
de la profession commence, les rites de bizutage permettent d’intégrer
les membres au groupe sociale. Certaines écoles (ENSAM) font durer
cette période sur plusieurs mois, l’acte est coercitif et l’élève
doit obéir aux ordres d’un ancien élève, des dérapages peuvent
avoir lieu. Ur certaines grandes écoles françaises, l’esprit de corps
occupe une place importante. Tout au long de sa vie l’ancien élève
sera aidé dans ses démarches de recherche d’emploi, de connaissance
de l’entreprise. Une association d’anciens élèves est l’un des
liens qui font circuler l’information. Les ingénieurs qui souhaitent ne faire que de la technique
se recrutent le plus souvent dans des écoles de niveau intermédiaire.
L’identité professionnelle est inhérente au choix des techniques
(informatique, télécommunication…) et au choix des fonctions dans
l’entreprise (production, études, recherche, développement). D’autres ingénieurs valorisent fortement l’accès aux postes
de responsabilités, c’est la quête permanente du pouvoir. Ceux-là
sont souvent issus des grandes écoles scientifiques ou commerciales
(type X, Centrale, HEC,...). C’est un parcours plus risqué, il
suppose le renoncement aux compétences techniques pour le monde
de la gestion et du relationnel. Ils souhaitent débuter pendant quelques
années dans des fonctions d’étude ou de recherche,sans responsabilité
hiérarchique, au sein d’une grande entreprise. Après ce passage
il faut acquérir des responsabilités hiérarchiques, changer dans
les fonctions (technico-commercial), découvrir d’autres domaines
dans l’entreprise. Le mouvement devant les mener progressivement
vers des fonctions d’encadrement. |
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