Les politiques de « discrimination positive » : quel bilan cours de SES première ES terminale ES bac ES sciences économiques et sociales migrations l’immigration discrimination positive intégration Affirmative Action Erwing Goffman Les stigmates, les étiquettes ZEP zones d'éducation prioritaire

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Les politiques de « discrimination positive » : quel bilan ?

« Le lien avec autrui ne se noue que comme responsabilité, dire : me voici. Faire quelque chose pour un autre… ». Ces phrases sont d’Emmanuel Levinas qui rappelle que la question de l’immigration est au centre du rapport à autrui et par là même au rapport à soi-même.
Les migrations, par le mélange qu’elles imposent, permettent dans la relation qui se crée avec autrui de mieux se comprendre soi-même. La gestion du problème identitaire peut résoudre en partie les difficultés liées à l’immigration. Certains pays ont essayé de compenser le désavantage socio-économique de certaines communautés par une aide qui peut prendre différentes formes. En 1957, aux Etats-Unis, à Little Rock dans l’Arkansas, mille parachutistes furent déployés pour protéger l’accès à l’école publique de la ville, de neuf écoliers Noirs. De ces événements naîtra, dans ce pays, le mouvement pour les Droits civiques, contre la ségrégation raciale et pour l’égalité des droits. Des mesures de discrimination positive permettront l’intégration en essayant de compenser ou réparer des injustices passées. Le terme de discrimination positive se traduit en anglais par Affirmative Action, il s’agit d’un traitement préférentiel en faveur, en général, des minorités. La société, reconnaissant un handicap par le fait d’appartenir à un groupe racial ou ethnique, cherche à le compenser par des mesures positives. Ces pratiques ont débuté aux Etats-Unis, à la fin des années soixante-dix, c’est pourquoi nous délimiterons notre étude aux cas américain et français pour une période allant des années soixante à nos jours. Par ailleurs, ces mesures s’appliquent aux Etats-Unis pour les minorités, c’est-à-dire à des groupes qui sont dominés, les membres de ces communautés ne sont pas forcément issus de l’immigration, ils peuvent être de souche américaine. Par contre, en France, l’action positive touche des zones territoriales où  l’on constate une population défavorisée (immigrés ou non) qui aurait besoin d’un « coup de pouce » supplémentaire. Ce genre de mesure s’installera en France plus tardivement, néanmoins, les mesures de discrimination positive ne sont-elles pas au centre du problème de l’intégration ? Une aide, quelle que soit sa forme, peut-elle favoriser l’intégration ? Est-elle souhaitable ? Durable ? Quels sont les effets pervers de ce genre de mesures ? Ces mesures permettent-elles une égalité des chances, des droits ou des résultats ?

Pour répondre à ces questions, c’est d’abord l’analyse du cas américain qui sera l’objet de l’étude, pour nous intéresser ensuite à la société française en comparaison avec la précédente.

Pendant les années soixante aux Etats-Unis, on assiste à une « déracialisation » de la nation américaine, le non-WASP (White AngloSaxon Protestants) accèdèrent  à des postes importants comme par exemple : J.F. Kennedy, J. Carter, R. Reagan, H. Kissinger…. Ce fut une période de ségrégation des écoles et des espaces publics, aucun emploi n’était réservé aux Blancs. Les Noirs pouvaient accéder, dans la théorie, à tous types d’emplois. Les Civil Rights Act de 1964 interdisaient toute discrimination fondée sur la « couleur, la religion, le genre ou l’origine nationale ».

Pendant cette période, on ne parle pas de quota, de mesures de compensation envers certaines communautés qui auraient pu se sentir lésées mais chacun a les mêmes droits. Il n’y a pas de préférences pour les anciennes victimes de la discrimination raciale. La loi était « color-blind » (aveugle à la couleur). C’était un régime basé sur l’égalité des chances et non une égalité des résultats.

Mais, cette période ne durera pas, en effet, dans les années soixante-dix, peut-être à cause d’une absence de résultats probants et d’un maintien des inégalités entre les Blancs et la communauté noire en particulier, le gouvernement décida d’instaurer une politique de discrimination positive ou Affirmative Action. Cette politique consista à créer des mesures de références communautaires et de traitement préférentiel, notamment dans les entreprises et à l’université.

Après plusieurs années d’application de ces mesures, on  peut tirer quelques conclusions sur leurs effets. Malheureusement, les effets pervers de ce genre de mesures, sont nombreux et pas forcément allant vers la modernité de l’égalité des races. Le mouvement des droits civiques avait voulu supprimer toute discrimination raciale, reconnaître à chacun des droits et des devoirs sans distinction d’origine, de particularité, de couleur de peau… les mesures de discrimination positive, partant sûrement d’un constat, remettent en cause « l’accès à… » quelle que soit la valeur intrinsèque des candidats pour les minorités. Pour la majorité, l’accès à l’université par exemple, se fait en fonction du travail personnel, des mérites de chacun. Les mesures de discrimination positive aux Etats-Unis se généralisent à la fin des années soixante-dix. Il fallait pour le gouvernement de l’époque compenser la faible représentation des Noirs en particulier dans certaines institutions.

Or, ce mouvement partant de bonnes intentions, départage néanmoins les individus, fait cesser l’égalité des mérites, singularise les communautés sans s’appuyer sur une réelle infériorité, stigmatise les personnes.

En effet, l’analyse d’Erwing Goffman dans son livre : Stigmate de 1963, montre bien la partition qui se fait entre les individus « discrédités » et ceux qui sont « discréditables ». Ils passent d’une certaine façon de la deuxième catégorie à la première. Comme l’écrit Goffman, on crée ainsi des « symboles de stigmate… dont l’effet spécifique est d’attirer l’attention sur une faille honteuse dans l’identité… ».

Les stigmates, les étiquettes, tous les « signes porteurs d’information sociale » peuvent remettre en cause l’homogénéité et la cohésion sociale. Ceux qui ne sont ni « discrédités », ni « discréditables », peuvent demander des comptes, trouver dans leur milieu d’appartenance des injustices, réclamer une mise à niveau de leurs droits. Comme nous le montre l’exemple des différentes communautés féministes, homosexuelles, handicapées et sectaires...

De plus, l’identité de l’individu n’est plus personnelle mais communautaire. On ne s’affirme pas en tant que personne mais plutôt en tant qu’individu appartenant à une communauté. Ce qui peut induire des crises identitaires, ne pas valoriser les efforts personnels pour exister, on doit s’en remettre à la communauté.

Le bilan des mesures de discrimination positive n’est pas forcément utile, à la fois pour les communautés qui en profitent et pour ceux qui n’e bénéficient pas. Les minorités peuvent ainsi voir leur identité collective se déliter, ils s’en remettent à une « instance supérieure » qui décide pour eux. Il n’y a plus cet aspect du combat, de l’opposition, de la mobilisation collective qui permet de se forger une conscience commune. Le groupe étant assuré d’un certain quota de places, il ne cherche pas forcément l’obtention d’un nombre plus important.

Par ailleurs, au niveau individuel, la personne peut être tiraillée entre son appartenance à la communauté où elle bénéficie de droits « supplémentaires » et une volonté de perdre ses particularismes (origine raciale, pays d’immigration, langue d’origine…) qui pourrait l’amener à mieux s’intégrer dans la société. L’exemple des immigrants italiens arrivant à New-York a montré leur désir d’abandonner leur langue d’origine pour « passer inaperçus ».

Ces mesures touchent-elles tout le monde ? Ont-elles une durée limitée ?

On constate que certains groupes n’ont pas eu accès à ces mesures comme par exemple, les Américains d’origine chinoise ou japonaise. Ces mesures ne sont-elles pas aussi un "cache-misère" destiné à donner bonne conscience à une majorité de Blancs comme le souligne Denis Lacorne dans la revue Hérodote en 1997  ("La crise de l’identité américaine ") ? Ne sont-elles pas un moyen d’apaiser certaines revendications légitimes ? Les avantages donnés aux Noirs et aux hispaniques sont-ils réellement compensateurs ? Se pose aussi le problème de la mesure, comment apprécier un discrédit ? Comment y remédier ?

Des exemples de mesures de discrimination positive peuvent être : accéder à une école publique malgré des notes inférieures à la moyenne du dernier admis Blanc ; avoir un poste réservé dans une entreprise malgré un marché du travail concurrentiel… Comment peut-on taxer une société qui adopte de telles mesures, sur un principe de méritocratie, sur une égalité civile ? (sont-elles que transitoires ?)

Denis Lacorne admet que de telles mesures puissent exister mais il faut qu’elles soient limitées dans le temps et réservées à seulement quelques groupes vraiment en difficulté, il écrit notamment : « il faut que la discrimination soit patente … la préférence ethnique ne devrait jamais être absolue ».

Le point de vue de Paul Thibaud, dans l’hebdomadaire l’Express du 20 octobre 1997 renforce les propos de Denis Lacorne. Il remarque que la non-intégration des Noirs a conduit le gouvernement à mettre en place des mesures de discrimination positive. « On a dû forcer l’obstacle par la discrimination positive ». Pour lui, l’absence de réelle affirmation du groupe en tant que communauté a conduit les hommes politiques à les favoriser en tant qu’individualité, ce qui entraîne un manque d’unité de revendications et du groupe. « Ce sont des collections d’individus unis par des frustrations et la mise en scène de griefs ».

Ces mesures de discrimination positive entraînent un nouveau communautarisme, non plus basé sur une volonté d’intégration par étapes dans la société américaine, mais une « dilution » des forces de mobilisation collective, une anomie des individus qui se laissent aller et reçoivent quelques « subsides » du gouvernement en termes de places réservées.

Les différents auteurs, soit modèrent l’impact de ces mesures, elles permettent de combler un déficit initial, soit sont contre, elles conduisent à l’apathie. Les mesure d’ Affirmation Action  sont donc l’objet de controverses, notamment dans le monde anglo-saxon. Le bilan qu’on peut en tirer est plutôt négatif même si certains auteurs reconnaissent leurs aspects positifs. Peut-être ne faut-il pas les laisser perdurer ?

Le président Clinton s’interrogea sur l’utilité de ces mesures. Les mesures américaines sont de nature différentes des mesures françaises.

Ces mesures d’actions positives ont été introduites par le président Johnson pour faire accéder la minorité noire à des postes dans l’entreprise et dans l’école. En 1997, ces mesures sont remises en cause dans l’état de Californie, c’est la « proposition 209 », adoptée par référendum, qui abolit les préférences raciales à l’embauche dans les emplois d’Etat, dans l’attribution des contrats d’Etat et dans l’accès à l’école publique. L’exemple de la prestigieuse université de Berkeley en Californie montre la diminution des admissions de membres provenant des minorités ethniques. Les Noirs, les Indiens, les Hispaniques et Asiatiques sont en forte décroissance. Le président Clinton souhaita amender cette loi, sans la supprimer, il a dit notamment : « mend it, don’t end it », (« l’assouplir mais ne pas l’abolir ».

On remarque aussi qu’au sein des communautés, les divergences sont nombreuses. Certaines minorités, notamment les Asiatiques qui représentent dix pour cent de la population de Californie, sont contre ces mesures. Ils pensent qu’elles jouent en leur défaveur, réservant des places aux Noirs qu’ils auraient pu obtenir par leurs seuls mérites personnels. On s’aperçoit que l’origine raciale des membres des communautés a une importance.

En effet, les immigrés asiatiques se sont installés plus récemment aux Etats-Unis, avec un autre état d’esprit, fuyant les difficultés de leur pays d’origine, ils ont une volonté forte d’intégration et n’hésitent pas à fournir un travail important. La minorité noire est partagée dans ses revendications et le lourd héritage de la guerre de Sécession pèse sur son intégration dans la société où les Blancs, en général, détiennent le pouvoir central.

De plus, les Asiatiques et les Hispaniques s’intègrent plus facilement à la société américaine comme le montrent les mariages mixtes, ils sont d’une certaine façon, plus réticents à la généralisation ou à l’exclusion des mesures de discrimination positive, notamment pour l’accès à l’école publique. Par contre, dans un article du Wall Street Journal cité par Le Monde du 26.09.97, ils ont bénéficié d’aides dans l’octroi de contrats publics et d’embauche dans les sociétés américaines. En dix ans, l’attribution de contrats pour les Asiatiques a augmenté de plus de cent pour cent, notamment ceux qui sont réservés aux petites et moyennes entreprises.

On constate que certaines mesures réussissent mieux à certaines communautés, en particulier les Asiatiques qui savent en profiter jusqu'à jour où elles s’aperçoivent de leur effet « contre-productif ». les mesures de  discrimination positive sont-elles toujours nécessaires, ou ne peuvent-elles pas prendre d’autres formes ?

En effet, en France, à l’instar des Etats-Unis, les mesures de discrimination positive se concentrent dans le milieu scolaire. Dans les années quatre-vingt, le nouveau gouvernement de gauche décide de « favoriser » certaines zones scolaires par l’octroi d’une aide supplémentaire en terme de moyens financiers et humains. Ce sont les ZEP (zones d’éducation prioritaire) que le gouvernement met en place à partir de 1982. 380 ZEP sont crées pendant ces deux années en France. En 1977, on recense 530 ZEP, qui concerne presque dix pour cent de l’effectif des collégiens.

La différence majeure avec les mesures d’action positive aux Etats-Unis, c’est que les mesures françaises touchent une population indifférenciée d’élèves (Français, Français d’origine étrangère, étrangers). On constate simplement une plus forte proportion de personnes défavorisées et notamment des immigrés dans ces populations, donc d’une façon médiate les mesures  favorisent les personnes d’origine étrangère et/ou immigrés, mais sans se référer à la notion de communauté ethnique.

A l’inverse, aux Etats-Unis, ce sont des minorités identifiées qui sont aidées, en France, ce sont des zones géographiques.

Dans notre pays, on emploie pour qualifier les ZEP souvent cette formule : « On donne plus à ceux qui ont moins », cela se traduit en termes de moyens supplémentaires aux établissements des quartiers difficiles où sévit l’échec scolaire. Il s’agit d’aider les enfants en échec scolaire par un soutien supplémentaire pour faire les devoirs, renforcer les cours de base et notamment le français, améliorer et entretenir des relations avec les familles. Mais cette assistance ne permet pas l’octroi d’un marché public, une place réservée. Il n’y a pas de quotas comme aux Etats-Unis. De plus, le critère ethnique n’est pas pris en compte, mais simplement les faibles ressources socio-économiques des familles. En France, la logique est territoriale et non communautaire, pays où l’on prône les valeurs universelles, les hommes politiques refusent de prendre en compte l’aspect multiculturaliste, contrairement aux pays anglo-saxons. Les mesures françaises répondent à un réel besoin d’encadrement d’une population défavorisée. Elles s’appliquent sans distinction de race, d’origine ethnique, à une population dans le besoin. Elles  ne viennent pas en diminution d’une aide à d’autres zones plus favorisées. Le ministère de l’Education nationale essaie par ces mesures de réduire les inégalités sociales.

Le bilan des mesures de discrimination positive est partagé entre deux modèles : américain et français. Aux Etats-Unis, ces mesures sont sujettes à controverses. Peut-être trop longtemps appliquées, ces mesures connaissent des effets pervers et montrent un défaut d’intégration de certaines communautés. Par contre, d’autres groupes communautaires savent en tirer profit jusqu’à une certaine limite. En France, la logique est différente et les mesures ne s’appliquent que dans le monde scolaire. Les changements de majorité politique n’ont pas remis en cause des mesures qui s’avèrent répondre à des besoins d’intégration et de cohésion sociale.

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