KEYNES
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1981
reste une année marquée par de profonds changements, en France en
particulier. C’est l’arrivée de la Gauche au pouvoir après
la victoire de F.Mitterrand qui nomma Pierre Mauroy
comme « premier » premier ministre de gauche de la Ve
République. Celui-ci tenta pour augmenter la consommation,
l’investissement et les exportations, une politique de relance
économique d’inspiration keynésienne. Ce fut peut-être une des dernières
grandes tentatives de relance par la demande ; après la Seconde
guerre mondiale, de nombreux gouvernements ont tenté d’influer sur
l’activité économique par le maniement de différentes « manettes ».
L’échec de la politique du gouvernement Mauroy et l’instauration d’une
politique de rigueur menée par L. Fabius, remettent en cause
quelques idées d’inspiration keynésienne. La persistance d’un chômage
de masse, la déréglementation des marchés financiers, la
mondialisation des échanges accélèrent la réflexion dans le
domaine économique, en s’interrogeant sur la pertinence des théories
découvertes à une autre époque. Les thèses de Keynes font souvent
l’objet de confrontations avec les problèmes économiques actuels.
En effet, celui-ci, auteur en outre d’un ouvrage majeur pour notre
siècle : La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et
de la monnaie, a réfléchi et écrit sur de nombreuses problématiques
de la science économique. Il s’intéressa à l’insertion financière
de l’Inde dans le commerce mondial, aux problèmes du paiement des
réparations par l’Allemagne après la Première guerre, à la montée
du chômage et aux solutions pour le réduire, à la politique budgétaire
et monétaire nécessaire pour faire face aux dysfonctions des marchés,
etc… Ses écrits furent abondants, se partageant entre des ouvrages
plus « conjoncturels » et d’autres plus théoriques dans
lesquels il avança de nombreuses idées. Les idées de Keynes
sont à comprendre comme des concepts, c’est-à-dire, des représentations
mentales abstraites dans le domaine économique d’une part et une pensée
plus pratique et pragmatique d’autre part. L’idée keynésienne, de
par son auteur, est ce mélange de théories et d’aspects
beaucoup plus concrets. Keynes fut un penseur, qui n’hésitait
pas à mettre en pratique pour lui-même certaines de ses théories,
il serait intéressant d’examiner le bien-fondé de ses « idées »
à l’heure actuelle. La théorie de Keynes est-elle toujours d’actualité ? Pour répondre à cette
question, nous verrons le point de vue de Keynes sur le déficit
budgétaire, pour ensuite nous intéresser aux problèmes d’incertitude
dans l’activité des marchés, pour enfin analyser la rigidité des
salaires. Keynes exerça plusieurs
rôles dont notamment celui de conseiller économique pendant la Première
et Seconde guerres mondiales. Il ne fut pas le seul à préconiser des
dépenses étatiques contracycliques pour diminuer le
chômage et relancer l’activité économique. Aux Etats-Unis, le président
Hoover dès 1930 introduisit l’utilisation du déficit budgétaire
pour enrayer la dépression économique. L’idée keynésienne
rigoureuse est moins le recours systématique au déficit budgétaire
mais plus une « socialisation de l’investissement ».
Il souhaite recommander aux dirigeants politiques d’engager
des dépenses d’investissement en complément de l’activité des entrepreneurs
privés, non pour se substituer
à eux mais s’ajouter, notamment pendant une phase de dépression. L’investissement
« social » keynésien plus l’investissement privé doivent
maintenir la stabilité économique. Le premier se justifie par l’insuffisance
du second. Keynes n’a jamais été un partisan d’une collectivisation
des moyens de production. Il écrit notamment dans les Collected
Writings : les dépenses d’investissement ont pour but « d’empêcher
les fluctuations majeurs grâce au programme de stabilisation à long
terme ». L’investissement « social » keynésien
est nécessaire pour réaliser l’égalité épargne-investissement expost
qui permettra d’obtenir le plein emploi. De plus, cet investissement
devrait non pas accroître le déficit public mais plutôt le diminuer.
En effet, l’investissement public contracyclique, par l’augmentation
des recette fiscales qu’il permettra du fait d’une relance de l’activité,
diminuera le déficit budgétaire. Pour Keynes, les déficits publics
proviennent d’une réduction des revenus. Il note en particulier « les
mesures qui sont prises pour stabiliser le revenu national sont ipso
facto les mêmes qui stabilisent le budget de l’Etat… les effets sur
les recettes…devraient être évidents ». Un investissement
keynésien n’est pas une pure perte, il doit théoriquement rapporter
des bénéfices et il ne doit pas servir à financer les dépenses courantes. Selon
Keynes, l’Etat peut suppléer par l’investissement public le revenu
national ; c’est un moyen de stabilisation de l’activité, de
réduction des déficits et de maintien des recettes fiscales. L’idée
keynésienne de socialisation de l’investissement est-elle un concept
dépassé ? L’investissement public évince-t-il l’investissement
privé ? Le système monétaire
européen impose pour le passage, en particulier, à la monnaie unique,
le respect de certains critères de convergence. Le déficit
du budget des Etats nationaux doit être inférieur à trois pour
cent du PIB. Cette obligation, contenue dans les critères de
Maastricht, nécessite d’adopter des politiques de rigueur. L’idée
keynésienne du complément d’investissement public pour maintenir le
revenu national peut paraître désuète. Certains économistes pensent
aussi que le multiplicateur keynésien, qui est censé accroître
la demande globale, peut avoir rapidement un effet négatif.
C’est pourquoi, ils prônent une austérité budgétaire et une
réduction drastique des déficits. L’arrêt ou du moins la forte réduction
de l’investissement public, donc la diminution du déficit budgétaire,
est un signal adressé aux marchés financiers. Ceux-ci interprèteront
ces mesures comme la volonté d’assainir les dépenses publiques, de
favoriser l’investissement privé. Les taux longs pourront baisser
et la prime de risque associée au pays, par les investisseurs internationaux,
diminuer. Les taux baissant, ceux-ci pourront stimuler l’investissement
privé, et donc provoquer des effets expansionnistes, et réduire ainsi
le poids du service de la dette. Moins de charge pour l’Etat, pas
besoin d’augmenter la fiscalité, un investissement moins cher, une
consommation stimulée, sont des conséquences possibles d’une politique
d’austérité budgétaire, celle-ci est à l’ordre du jour des pays européens,
la socialisation de l’investissement de Keynes serait apparemment,
pour certains dirigeants politiques une idée dépassée. Keynes pensait que
les politiques de stabilisation, par l’augmentation de l’investissement
public, sont généralement efficaces. Sa vision est macroéconomique
et concerne la demande globale, la rigidité des prix, la consommation
des ménages et des entreprises… Son intérêt se porte aussi sur
les incertitudes et les anticipations des agents. Pour lui,
la prise en compte des décisions individuelles et essayer d’en comprendre
la formation, peut faciliter la compréhension des phénomènes de dysfonctionnement
d’une économie de marché. Un défaut de coordination des décisions
individuelles, des signaux flous envoyés aux marchés peuvent être
une source de dérèglement. Il s’oppose ainsi aux classiques et néo-classiques qui raisonnent
en termes d’ajustement progressif entre une offre et une demande.
Pour eux, le prix de l’argent, du salaire, des biens et services…
par ses variations à la hausse ou à la baisse, permet d’équilibrer
des offres et des demandes sur des marchés interdépendants. Pour Keynes,
au fonctionnement du marché doit s’ajouter des phénomènes psycho-sociologiques,
l’anticipation des variables futures par les agents, la prise en compte
de l’incertitude. C’est Nicolas
Jabko, dans un article intitulé : « Le fondamentalisme »
de J.M. Keynes : vers une théorie générale de l’incertitude »
de la Revue française d’économie, en 1990, qui relève l’intérêt
de Keynes pour la prise en compte de l’incertitude. Keynes
remarque que les agents qui veulent réduire l’incertitude doivent
se baser, non sur un avis personnel ou intuitif mais sur « convention »
qui peut être comprise comme un accord tacite entre les participants.
Jabko reprenant un article de 1966 de Shackle : « Keynes
and the nature of human affairs », remarque dans la démarche
de Keynes, l’introduction du concept d’insécurité. Cette idée
aurait une « valeur heuristique » supérieure à la notion,
utilisée par les Classiques, de rareté. Cette notion, pour
Keynes, d’insécurité est consubstantielle, à l’économie monétaire
de production. Dans cette économie,
la monnaie remplace le troc, il n’y a pas la même « séparation
dans le temps de l’acte de vente et de l’acte d’achat ».
La monnaie n’est pas qu’un « voile » comme chez les
classiques, elle permet la disjonction entre la vente et l’achat,
entre le revenu qui provient du salaire et son utilisation, entre
les produits d’aujourd’hui et ceux susceptibles d’apparaître demain.
Cette séparation des actes, l’introduction de la durée, créent
une incertitude dans les marchés. Les agents, pour diminuer
cette inquiétude, devront faire des anticipations. L’idée
keynésienne d’incertitude est-elle toujours d’actualité ? Avons-nous
réussi à réduire l’indétermination qui se retrouve dans les marchés ?
Pour N.Jabko, l’approche de Keynes est « fondamentaliste »,
dans la mesure où il intègre l’incertitude, la méconnaissance du futur
conduit les agents à élaborer des anticipations, à se baser sur des
conventions, sur des phénomènes de mimétisme. La montée du chômage
et l’inquiétude qui en découle du financement des retraites ;
faut-il garder notre système par répartition ? le compléter par
un système par capitalisation ? On constate que les agents sur
ce sujet forment des anticipations ; les sommes énormes collectées
sur les contrats d’assurance-vie, outre une fiscalité intéressante,
montrent le souci de se constituer un appoint de revenu pour sa retraite.
Sur ce point, l’incertitude est omniprésente, elle se retrouve aussi
dans le domaine de la consommation. En effet, dans les
années quatre-vingt-dix, on remarque une diminution des dépenses des
ménages. Les familles hésitent à consommer, sauf pendant les
grandes fêtes, et préfèrent se constituer une épargne de précaution.
De même, pour les entreprises, elles revoient leurs anticipations
à la baisse, se basant sur une faible demande. L’idée de Keynes d’introduire
la notion d’incertitude, dans le monde économique, ne paraît pas dépassée,
surtout dans notre monde contemporain où la mondialisation des
marchés financiers crée des turbulences qui engendrent du doute. Le mouvement erratique
des marchés financiers entraîne un sentiment d’incertitude. Comme
le remarque A. Orléans, dans un article intitulé : « mimétisme
et anticipation rationnels : une perspective keynésienne »
dans la revue Recherches Economiques de Louvain, en 1986, certains
agents profitent du doute pour spéculer. Les anticipations
chez Keynes se retrouvent chez les agents de change qui essayent de
« prévoir la psychologie du marché » ou chez les
chefs d’entreprise qui tentent de « prévoir le rendement escompté
des actifs ». Mais cette impression de méconnaissance du
futur ne se retrouve pas dans tous les domaines. En effet, le marché
du travail présente, selon Keynes, une certaine rigidité. Keynes,
sur ce sujet, s’opposait à Rueff qui pensait qu’une déréglementation
permettrait une plus grande flexibilité des salaires. Pour Keynes,
les causes de la rigidité des salaires ne sont pas « exogènes »
mais « endogènes ». La relation contractuelle qui
s’établit entre l’entrepreneur et le futur salarié va au-delà du simple
jeu du marché. Keynes remarque que les salaires nominaux sont
rigides à la baisse, sans expliquer cette rigidité par la mise en
place d’une assurance-chômage, ou du rôle actif des syndicalistes.
Il écrit notamment : « …depuis des siècles, on a toujours
eu une résistance sociale intense à tous les efforts de réduction
des salaires nominaux… ». Pour lui, la baisse
des prix mondiaux et la progression des gains de productivité
auraient dû entraîner un ajustement à la baisse des salaires
nominaux. Il explique le chômage, non par la rigidité des salaires,
mais par une politique économique inadaptée. En d’autres termes, pour
lui, ce n’est pas par une plus grande flexibilité des salaires que
l’on résoudra le problème du chômage. Même si les « avantages
acquis » participent à la rigidité des salaires, ce n’est pas
leur suppression qui créera des emplois. Pour lui, le salaire est
fixé par « des forces historiques et sociales »,
ils sont historiquement rigides. Ce débat sur la rigidité
des salaires, sur le manque de flexibilité se retrouve aujourd’hui.
Les taux de chômage élevés de nombreux pays, surtout européens, suscitent réflexion et actions chez les hommes politiques. Faut-il instaurer une déréglementation
du marché du travail pour résoudre le problème du chômage ? Les
« avantages acquis » sont-ils une cause de l’absence d’emplois ? Comme dans les années
vingt et trente, avec le débat entre Keynes et Rueff, le débat s’engage
aujourd’hui entre les libéraux, partisans du « laissez-faire »
et ceux plus proches d’une régulation étatique. Les libéraux
pensent qu’il faut supprimer toutes réglementations comme l’autorisation
administrative de licenciement, le maintien d’un salaire minimum (SMIG),
une forte fiscalité pour les hauts salaires, pour dynamiser le marché
du travail. Ils montrent, en exemple, souvent les pays d’Asie du Sud-Est
ou les Etats-Unis et, en tenant compte des comparaisons difficiles
des taux de chômage, ceux-ci ont moins de sous-emploi que les pays
européens. Ceux qui sont proches
des idées keynésiennes font remarquer que l’assurance-chômage est
nécessaire pour maintenir la consommation et éviter que le pays rentre
en dépression. Les nouveaux keynésiens contrecarrent les projets libéraux,
pour eux, le marché n’est pas toujours efficient. Certains font remarquer
qu’il existe un marché du travail dual, où deux secteurs cohabitent.
A un secteur « privilégié » et protégé, s’oppose
un secteur déréglementé, sans garde-fou. Les mécanismes de marché
ne peuvent pas s’appliquer. De plus, un « salaire d’efficience »
empêche les ajustements sur le marché du travail. Une forte rémunération
permet à l’entreprise de garder ses salariés et évite des coûts supplémentaires
d’embauche ou de formation. D’autres problèmes peuvent intervenir,
comme des asymétries de l’information, etc… Les idées de Keynes
sur la rigidité des salaires et le fait qu’une plus grande flexibilité
ne permettrait pas forcément de résoudre le problème du chômage, ne
sont pas dépassées mais pleinement présentes dans le monde contemporain. La
vision de Keynes en ce qui concerne les dépenses étatiques, la « socialisation
de l’investissement », pour compléter les dépenses privées semble
au regard des critères de Maastricht dépassée. En effet, peu d’Etats
européens prônent le déficit public pour relancer l’activité économique.
Par contre, le concept d’insécurité et l’incertitude sur les marchés
qui en découle, montre la pertinence de cette idée, surtout dans le
monde de la finance internationale. De plus, en analysant la relation
contractuelle employeur-employé comme échappant au jeu du marché,
Keynes apporte une nouvelle idée qui ne paraît pas dépassée. Globalement,
les idées de Keynes ne semblent dépassées, mais à interpréter au cas
par cas, et en fonction des nouveaux paradigmes économiques. |
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