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INTERETS
ET LIMITES D’UNE SOCIOLOGIE DE L’ETABLISSEMENT SCOLAIRE Le
système éducatif français rassemble plus de douze millions d'élèves
qui se répartissent dans plus de 60 000 établissements du premier
degré et 110480 établissements de second degré. Les élèves sont
encadrés dans le second degré, par 490 000 enseignants. En 1995,
70% d’une génération sont arrivés au niveau du baccalauréat ce
qui correspond au niveau IV dans la classification des
diplômes. L’établissement est le dernier maillon d’une
chaîne qui va du Ministère de l’Education nationale, en
passant par les académies au niveau des régions, les inspections
académiques au niveau du département, les circonscriptions
pour les écoles maternelles et élémentaires dans les communes.
Les établissements regroupent l’ensemble des lycées et collèges
et le chef d’établissement devient le responsable d’un EPLE
(établissement public local d’enseignement). Depuis la loi sur
la décentralisation, l’Etat délègue des responsabilités
à des collectivités territoriales. Le système éducatif
s’appuie sur l’Etat et les collectivités en adoptant le
principe des « compétences partagées ». La
sociologie de l’éducation s’est fortement intéressée aux conséquences
de la massification des effectifs scolaires dès le début des années
soixante en France. Un des problèmes était de s’interroger sur
les inégalités sociales face à l’école. L’école était-elle au
service des besoins économiques et de certaines classes sociales ?
comme le suggéraient C. Baudelot et R. Establet. L’école n’avait-elle pour but que de légitimer des
compétences scolaires des élèves d’une seule classe dominante
qui imposait, par la même occasion, sa culture et son idéologie
comme l’ont montré P. Bourdieu et J.-C. Passeron. Plus tard, dans
les années quatre-vingt, les sociologues ont essayé d’analyser
les interactions à l’intérieur de l’école, les relations enseignants-enseignés,
les attentes, les demandes différents acteurs sociaux. Ces
acteurs agissent dans les établissements scolaires qui peuvent
être définis, d’un point de vue administratif, par les lycées
et les collèges, et, d’un point de vue sociologie, par l’ensemble
des institutions scolaires, de l’école maternelle à l’université,
qui scolarisent des élèves et des étudiants. La sociologie des
établissements scolaires peut être comprise comme la volonté de
comprendre le fonctionnement social de l’établissement en s’appuyant
plutôt sur des études empiriques. Nous essayerons de constater
les apports de ces études par rapport aux analyses « classiques »
sur le système éducatif et d’en mesurer la portée. Pour
répondre à ces questions, nous verrons dans une première partie
les différents types d’établissements scolaires et leur influence
sur la « destinée » des élèves pour nous intéresser
ensuite aux variables explicatives qui permettent de comprendre
les particularités de chaque institution. La
loi d’orientation de juillet 1989, qui place « l’élève
au centre du système éducatif » impose aux établissements
d’élaborer un projet d’établissement. La rédaction de ce projet
montre bien l’autonomie de l’institution locale qui doit adapter
sa structure pédagogique à son environnement scolaire. Dans les
écoles primaires, le projet d’école adopte la même démarche c’est-à-dire
définir ses propres modalités de fonctionnement pour s’adapter
à la réalité sociale. Depuis 1982, l’Etat a décidé d’aider encore
plus certains collèges ou lycées professionnels en particulier.
La création des ZEP (Zones d’éducation prioritaire) montre
bien l’inégalité des établissements dans le système éducatif français.
Certains établissements de par leur recrutement social défavorisé,
ont besoin d’un soutien supplémentaire. L’établissement scolaire
d’une banlieue en difficulté, ne ressemble pas au lycée issu de
la III République, comme le lycée Fermat à Toulouse ou Henri
IV à Paris. La sociologie de l’établissement devient une nécessité,
chaque école est unique et peut révéler des différences dans la
scolarisation. Cette
volonté des hommes politiques de rendre plus autonomes des établissements
scolaires entraîne des changements importants dans le fonctionnement
de l’institution. Avant la loi d’orientation de 1989, dès 1963
avec la réforme Fontanet, le système d’enseignement se transforme.
Avant cette date, les possibilités de scolarisation en France,
se faisaient dans deux systèmes différents. Les écoles primaires
et ensuite les écoles primaires supérieures éduquaient
les enfants d’origine populaire. Par ailleurs, les enfants des
classes sociales favorisées étaient scolarisés dans le secondaire.
Les établissements n’entaient pas ou peu en concurrence, chaque
classe sociale avait son école et la sélection n’était pas scolaire
mais sociale. La
réforme Fontanet, en particulier, transforme ce système en un
ensemble plus cohérent, il uniformise le système français en trois
niveaux : l’école primaire, le collège, le lycée.
Cette différenciation met en relation les établissements et crée,
de facto, une concurrence. Tous les élèves accèdent à l’école,
la sélection n’est plus sociale mais devient scolaire même si
certains sociologues peuvent contester ce point de vue. Plus
tard, la réforme Haby de 1975,
et la création du collège unique par la disparition des
différences entre le CES (collège d’enseignement secondaire)
et le CEG (collège d’enseignement général), renforcera
l’individualisation des établissements. Les réformes de 1963 et
1975 entraînent une certaine autonomie des établissements.
Les parents, dont les enfants sont plus nombreux dans le système
éducatif, attendent plus de l’école, la demande sociale d’éducation
s’accroît. Dans la conscience collective, les écoles ne sont pas
toutes identiques, choisir une bonne école peut être un moyen
de réussite et donc d’ascension sociale. F.
Dubet, dans son livre de 1991, Les Lycéens, enquête
dans différents lycées de Paris et sa banlieue et en province.
Il propose une typologie qui regroupe quatre lycées. Les établissements
de centre-ville comme le lycée Louis-le-Grand à Paris ou
le lycée Poincaré à Nancy, attirent, ce que F. Dubet appelle
les « vrais » lycéens. Cette sociologie de l’établissement
scolaire s’intéresse à détailler et faire ressortir les grandes
caractéristiques des acteurs qui fréquentent les différents types
de lycée. Les « vrais » lycéens sont en majorité des
« héritiers » pour reprendre le titre d’un livre
de P. Bourdieu et J-C Passeron
en 1994. Ces lycéen doivent apprendre avec dilettantisme, il faut
manifester du « détachement » même s’ils travaillent
beaucoup chez eux. Le « vrai » lycéen a lu les
livres à la mode, n’apprécie son professeur que s’il est brillant
et distant. La relation est purement intellectuelle sans la recherche
d’une affectivité. Comme le résume F. Dubet pour ce type d’établissement :
« Le vrai lycée accueille et produit un héritier ». F.
Dubet distingue aussi les « bons » lycéens. Ce sont
ceux qui fréquentent le lycée de centre-ville de province comme
le lycée Joffre à Montpellier. Les lycéens ont une attitude utilitariste
des études. Ils sont conscients de la nécessité de faire des études
mais ne veulent pas trop s’investir.
Pour eux, « il faut assurer ». Le lycée
est un lieu de passage et le professeur est défini par son efficacité
et par son intérêt porté aux élèves. Les « nouveaux lycéens »,
décrits par F. Dubet, sont issus d’un lycée de banlieue. La sélection
se fait souvent par l’échec, les élèves font peu de projets et
idéalisent leur future profession. Dans cet établissement, les
relations professeurs-élèves sont plus étroites. Les élèves « travaillent
pour le professeur ». Le dernier type d’établissement
décrit par F. Dubet, regroupe les « futurs ouvriers ».
Pour eux l’établissement s’apparente à une usine, on ne va pas
à l’école mais à « l’usine ». La discipline est
forte dans l’établissement, ce sont souvent des lycées professionnels
où l’enseignement technique domine. Cette
analyse montre bien quatre grands types de lycées. Sont-ils représentatifs
de l’ensemble des établissements français ? L’intérêt de
cette analyse sociologique est de dégager les grandes tendances.
Le problème est que cette enquête ne s’appuie pas sur un échantillon
représentatif des lycées. Les élèves ne sont-ils pas, suivant
les disciplines choisies, des « vrais lycéens »
ou des « futurs ouvriers » ? Néanmoins cette
approche, qui est plus microsociologique apporte un éclairage
nouveau, notamment au niveau de l’établissement, en sociologie
de l’éducation. C’est une approche taxinomique et descriptive
de l’établissement et de ses principaux acteurs. Comme
le souligne Pascal Bressoux
dans un article : « Les recherches sur les effetst-écoles
et les effets-maîtres » de la Revue Française de pédagogie,
en 1994, il manque une véritable « théorie » pour analyser
les effets-établissements. Les travaux anglo-saxons et notamment
américains montrent que l’école
peut être perçue comme une organisation sociale. Les chercheurs
américains (comme Edmonds
en 1979 ou Brookover), ont
essayé de dégager les facteurs qui favorisaient la réussite des
élèves. De leurs analyses, plusieurs facteurs ressortent dont
notamment une « forte direction » des contrôles
fréquents sur le travail des élèves et un bon climat dans l’établissement. La
sociologie de l’établissement prend en compte des facteurs psycho-sociologiques
et notamment la notion de climat. Cette notion fut développée
aux Etats-Unis et les conclusions de ces études montrent qu’un
bon climat dans une école permet d’obtenir de meilleures performances
avec un minimum de punitions ou de sanctions. Les
effets-écoles aux Etats-Unis sont plus importnts qu’en France.
E effet, la France de par son organisation centralisée et la nomination
des directeurs par le Ministère laisse moins de liberté aux directeurs
par rapport aux Etats-Unis. L’analyse américaine, relevée par
P. Bressoux, de l’effet-école ou l’effet-établissement
est originale et permet de mettre en avant des facteurs comme
la notion de climat. Ces travaux peuvent être relativisés en France
par les travaux des chercheurs de l’IREDM,
M. Duru-Bellat et A. Mingat en particulier, qui
montrent que l’effet-classe joue plus que l’effet-école. La variance
des résultats en termes d’acquisition des connaissances chez les
élèves est plus forte dans la classe que dans le collège. Cette
notion de climat qui caractérise certains établissements est reprise
dans les études faites par A. Grisay
en Belgique. Ses travaux sur soixante collèges font ressortir
des « styles d’établissements ». Comme avec l’étude des lycéens faite par F. Dubet, A.
Grisay dans les collèges en quatre types. Le premier type, les
collèges favorisés-performants sont caractérisés par leur discipline,
un « climat impersonnel », une exigence des professeurs,
des travaux faits à domicile et une forte sélection. Les collèges
défavorisés performants ont un climat de travail plus chaleureux,
une discipline moins rigoureuse, des professeurs exigeants. Les
collèges défavorisés peu performants sont caractérisés par des
relations impersonnelles et peu d’exigence. Le dernier type, les
collèges favorisés peu performants ont un mauvais climat de travail
et des méthodes de travail plutôt laxistes. Les
travaux d’A. Grisay montrent
bien différents « styles d’établissements » en associant
les performances scolaires des élèves au recrutement social de
l’établissement. A. Grisay combine l’origine sociale et les résultats
scolaires sur un échantillon relativement exhaustif…. Les limites
de ces analyses mettent en avant les difficultés de distinction
entre les causes des effets et ses conséquences pour l’établissement.
En
effet, les méthodes corrélatives ne permettent pas de dégager
les relations de causalité. Les bonnes performances des élèves
sont-elles une cause ou une conséquence de l’effet-établissement ? Les
60 000 établissements ne peuvent pas tous se ressembler, la sociologie
de l’éducation qui s’appuie sur des analyses macro sociologiques
où l’origine sociale des élèves résume souvent leur succès ou
leur échec à l’école, ne fait pas l’analyse de l’effet-établissement.
Des chercheurs dans les années quatre-vingt, se sont intéressés
aux caractéristiques de chaque établissement et ont montré que
celui-ci pouvait avoir une influence sur la « destinée »scolaire
des élèves. |
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