L'innovation technologique des entreprises comme Apple avec ipad, iphone, ibook, ou Sony, IBM, Dassault Systèmes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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L' innovation chapitre I I. Les innovations stimulent la demande 1. D'abord parce qu'elles permettent de dégager des gains de productivité, les innovations stimulent la demande dans ses trois composantes : investissement, consommation et exportations. (cf. schéma précédent). Mais elles stimulent aussi la demande de façon plus directe. a. Les innovations créent de nouveaux besoins Pour étudier leur impact sur la demande, il est utile de rappeler que les innovations peuvent prendre différentes formes, on en distingue généralement cinq, en s'inspirant d'une classification établie par Schumpeter : - l'innovation de produit : on introduit sur le marché un bien ou un service qui n'existait pas jusque là. exemples : le téléphone portable, le micro-onde, le VTT,.. - l'innovation de procédé : on introduit une nouvelle méthode de fabrication - l'innovation de matières premières : invention du plastique, les nouvelles matières textiles,.. - l'innovation de débouchés: on crée de nouveaux marchés en vendant à l'étranger ou en vendant à de nouvelles catégories de consommateurs sur le marché intérieur. - l'innovation en matière d'organisation de la production : par exemple un changement dans l'organisation du travail, dans les méthodes de recrutement ou de management, ou dans les relations de l'entreprise avec son environnement : nouvelle organisation des relations avec les fournisseurs, fusion avec une autre entreprise, nouvelle méthode de commercialisation, ... - parmi ces différents types d'innovation, il est clair que certains ont pour effet direct de stimuler la demande : quand on crée de nouveaux produits, ou quand on utilise de nouvelles méthodes de commercialisation ou lorsqu'on crée de nouveaux marchés on agit sur la demande, c'est même l'objectif central. Cette fonction de certaines innovations est essentielle : une économie sans innovation est une économie dans laquelle on risque de voir à moyen terme la demande stagner. En effet, lorsque la plupart des ménages sont équipés de certains biens durables, le seul marché qui existe pour ces biens est un marché de renouvellement, ces marchés sont donc pratiquement saturés : 97 des ménages français sont équipés d'un poste de télévision, or les téléviseurs ont la vie longue. Pour les industriels qui vendent ce produit, le seul moyen de renouveler la demande est de vendre des postes de plus en plus sophistiqués (écran 16/9ème, angles plats,...). Même raisonnement pour les industriels du cycle : c'est parce que la demande de vélos stagnait qu'ils ont introduit le VTT. Introduire des produits nouveaux, c'est chercher à créer de nouveaux besoins chez le consommateur : qui avait besoin d'un téléphone portable il y a dix ans ou d'un four à micro-ondes il y a vingt ans? Cela ne signifie pas que les entrepreneurs ne cherchent pas à connaître et à s'adapter aux goûts et aux besoins des consommateurs pour guider leur politique en matière d'innovation. On peut très bien chercher à lancer un nouveau produit sans y parvenir, simplement l'innovation suscite aussi de nouveaux besoins. Un économiste américain, Galbraith, a insisté sur le fait que très souvent on pense que les entreprises cherchent à produire en fonction des besoins des consommateurs, la demande conditionnant donc l'offre, alors qu'en réalité c'est souvent l'offre qui conditionne la demande, c'est-à-dire que les entreprises cherchent à persuader le consommateur qu'il a besoin des produits ou des services qu'elles commercialisent. Pour insister sur le caractère contre intuitif du phénomène qu'il décrit, Galbraith parle de "filière inversée". Un historien français, spécialisé dans l'histoire économique et auteur d'une livre sur la révolution industrielle, souligne cet aspect du rôle des innovations. Pour souligner le fait que la révolution industrielle n'a pas consisté uniquement dans l'introduction de nouvelles techniques, il écrit : "elle reposa aussi sur le lancement de nouveaux produits dont le succès s'appuyait sur un changement de comportement des consommateurs" (Patrick Verley, La Révolution industrielle, Gallimard, Folio histoire n°77, 1997). Il donne différents exemples : l'apparition des cotonnades, plus légères et moins coûteuses que les lainages permettaient un renouvellement et une plus grande diversification des garde-robes. C'est le début des phénomènes de modes vestimentaires pour l'ensemble de la population, alors que jusque là seules les élites, essentiellement les membres de la noblesse de cour, connaissaient ces phénomènes. A la même époque on observe le même mouvement de diversification dans d'autres domaines de la consommation, en particulier pour l'équipement des maisons : les miroirs, les rideaux, le matériel de cuisine qui étaient jusque là achetés une seule fois pour l'existence entière deviennent l'objet d'achats moins durables : les produits sont moins chers, on peut se permettre de les changer plus souvent. c'est à cette époque aussi que sont inventés de nouvelles méthodes de vente, en particulier la vente sur catalogue mais aussi la publicité, qui cherche à susciter des réflexes d'imitation de la clientèle riche. On observe aussi une diversification des consommations alimentaires. b. Les innovations stimulent l'investissement, source essentielle de croissance. Ce qui est vrai pour la demande des consommateurs est vrai aussi pour l'investissement. En effet, lorsque des équipements plus performants sont disponibles sur le marché, les entreprises sont d'avantage incitées à investir, elles ne se contentent pas d'investissement de renouvellement ou de capacité. On n'empile pas les tournevis dans une entreprise, en revanche si une machine visseuse apparaît sur le marché, il est certain que l'entreprise sera intéressée. On observe d'ailleurs que les périodes où les innovations sont nombreuses sont aussi des périodes ou les investissements progressent. Le fait que les innovations stimulent l'investissement en font un moteur essentiel de la croissance, parce que les investissements eux-mêmes sont des sources très importantes de croissance, pour différentes raisons: - l'investissement est d'abord une source de croissance grâce à ses effets sur l'offre, c'est-à-dire sur la production. C'est pour cette raison que l'investissement est considéré dès les travaux des premiers économistes classiques comme une source essentielle de croissance. Le raisonnement est le suivant : l'investissement permet l'accumulation du capital et plus particulièrement l'augmentation du capital par tête, il permet donc aux travailleurs d'être mieux outillés donc plus productifs. D'autre part, l'investissement peut aussi permettre d'augmenter les capacités de production et donc la croissance. - ils sont une composante essentielle de la demande adressée aux entreprises. Rappel de première sur l'équilibre emplois-ressources donc donc la croissance du PIB sur une année peut être décomposée en trois effets : - effets de la consommation - effets de l'investissement - effet du solde extérieur la consommation représente un gros pourcentage de la demande mais elle varie assez peu. En revanche, l'investissement pèse moins lourd mais ses fluctuations sont de plus grande ampleur. - en plus de cet effet direct sur la demande, l'investissement a un effet plus large qui a été théorisé par Keynes sous le nom d'effet multiplicateur. L'idée qui est derrière cette notion est qu'une dépense d'investissement suscite une succession de flux de revenus qui sont en partie dépensés et que l'effet global de toutes ces dépenses se traduit par une hausse du revenu national supérieure à l'investissement initial. La dépense d'investissement suscite des revenus pour les producteurs de biens d'équipement. Une partie de ces revenus va être dépensée sous forme de biens de consommation. Cette dépense va constituer un revenu pour les producteurs de biens de consommation, ce revenu va être à son tour dépensé,... Les effets totaux d'une variation I de l'investissement sur le revenu national sont représentés par la somme de tous ces revenus en chaîne Le multiplicateur est donc égal à remarque : il est d'autant plus fort que la propension à consommer est forte. A retenir : toue augmentation I des dépenses d'investissements entraîne un effet sur le revenu global égal à avec cet effet multiplicateur a toutefois des limites: - tout d'abord, les résultats du raisonnement de Keynes sont liés à ses hypothèses sur les liens entre la consommation et le revenu. Il pense que c'est notre revenu courant, celui que nous observons sur notre compte en banque, qui détermine notre niveau de consommation. On dit souvent que pour Keynes le consommateur est myope, c'est-à-dire qu'il a le nez fixé sur son revenu présent, sans se projeter dans l'avenir. D'autres théoriciens ont contesté cette analyse des comportements de consommation et pensent que ce qui détermine notre niveau de consommation n'est pas notre revenu courant, mais nos anticipations sur nos revenus futurs. Dans ce cas, une variation de notre revenu courant n'entraîne pas une variation automatique de notre consommation. Pour le dire avec les termes de Keynes, la propension à consommer n'est pas stable. Si la propension à consommer n'est pas stable, toute la démonstration sur l'effet multiplicateur de l'investissement s'effondre - quand un pays est très ouvert sur l'extérieur, une hausse de l'investissement peut très bien se traduire uniquement par une hausse des importations (on achète les biens d'équipements à l'étranger). C'est notamment le cas dans les pays en développement dans lesquels les industries de biens d'équipement sont encore peu développées, la plupart des biens d'équipement sont donc importés, ce qui a pour conséquence que l'effet multiplicateur ne bénéficie pas à ces pays mais aux pays développés qui leur vendent les biens d'équipement. L'effet multiplicateur de l'investissement sur le revenu national est dans ce cas plutôt limité. - l'effet multiplicateur se dégonfle assez vite puisque à chaque étape il s'amenuise. Il faut donc entretenir un flux régulier d'investissements si on veut soutenir durablement la croissance grâce à l'effet multiplicateur. 2. Les innovations changent la société en profondeur a. La diminution du temps de travail et l'avènement d'une société de loisirs Nous avons étudié les effets des gains de productivité générés par les innovations sur la croissance. Il y a une autre utilisation possible des gains de productivité, c'est la diminution du temps de travail : si on arrive à produire autant en moins de temps, il est en effet possible de réduire la durée du travail sans gêner la production. Historiquement, c'est ce qui s'est produit en France. Entre 1896 et 1991, la durée du travail a été divisée par deux : on travaille en moyenne deux fois moins d'heures que les salariés il y a cent ans. Sur la même période, le PIB a été multiplié par 10.25 en volume, sans que la population active occupée augmente beaucoup, puisqu'elle est passée de 20.62 millions à 22.2 millions. On a donc réussi à produire 10 fois plus de richesses, en travaillant deux fois moins qu'avant, cela n'a été possible que grâce au très forts gains de productivité, notamment une très forte hausse de la productivité apparente du travail. Rappel : la productivité par tête a été multipliée par 13 et la productivité horaire par 25 entre 1860 et 1990. Pour bien comprendre les liens entre ces variables, il est utile de savoir retrouver leurs liens sous formes de formules générales, en repartant toujours de la définition de la productivité horaire apparente du travail : productivité horaire du travail = on peut en déduire que PIB= population active occupée = de la deuxième formule on peut déduire trois façons possibles d'augmenter le PIB, c'est-à-dire de stimuler la croissance : La troisième formule nous sera utile lorsque nous étudierons les liens entre chômage et progrès technique. L'augmentation très rapide de la productivité du travail a donc permis en diminuant le temps de travail de libérer du temps libre. L'apparition des week-ends puis des congés payés a entraîné des changements très importants dans le mode de vie de l'ensemble de la population. Ce qui autrefois était réservé aux élites devient accessible à une partie beaucoup plus large de la population : la vie n'est plus centrée uniquement sur le travail. Il faut progressivement inventer des usages de ce temps libre. b. l'amélioration du niveau de vie de la population Le fait que le prix de vente de certains produits ait fortement baissé grâce aux gains de productivité, permet d'en diffuser l'usage à l'ensemble de la population. On peut prendre de nombreux exemples de biens qui autrefois étaient considérés comme des biens de luxe et qui sont devenus des biens de consommation courante : l'automobile, la télévision, ou plus récemment les micro-ordinateurs multimédias vendus dans les hypermarchés à des prix divisés par 2 ou 3 par rapport aux mêmes modèles vendus 1 an auparavant. On n'observe pas ce phénomène uniquement pour les biens durables : le poulet autrefois était considéré comme un luxe, certains sociologues ont même vu dans les années 50 dans le fait que les ouvriers pouvaient manger du poulet le dimanche une preuve de leur embourgeoisement et l'annonce de la disparition des classes sociales! Aujourd'hui au contraire le poulet est considéré comme une viande parmi les moins chères et plus du tout comme un bien de luxe. Il est certain qu'entre-temps, de nombreuses innovations sont apparues dans les méthodes d'élevage des poulets, elles ont permis de générer des gains de productivité donc une baisse des prix de vente, accentuée par les rendements d'échelle liés au développement des ventes. Un économiste français, Jean Fourastié, a utilisé une méthode pour mesurer les conséquences des innovations sur le niveau de vie de la population. Il a étudié l'évolution de ce qu'il appelle les prix réels et qu'il définit de la façon suivante : prix réel d'un bien ou d'un service = prix
nominal de ce bien ou de ce service /salaire horaire d'un manœuvre à
la même date= nombre d'heures qu'un manœuvre doit travailler pour
pouvoir s'offrir le bien ou le service en question. Etudier l'évolution
des prix réels, c'est donc étudier l'évolution du
pouvoir d'achat des ménages. Il donne de nombreux exemples : le prix réel d'une bicyclette est passé de 220h en 1925 à 28h en 1982. Le prix d'une 2CV est passé de 3088h en 1949 à 908h en 1983. Le prix réel d'une douzaine d'œufs est passé de 4h à 20mn entre 1925 et 1982. Il montre que parallèlement le prix réel d'autres biens ou services a très peu varié sur la longue période : la visite chez le médecin, une coupe de cheveux, une place de théâtre et il souligne le fait qu'il s'agit à chaque fois de domaines d'activité qui n'ont pas connu de progrès technique. II. L’IMPORTANCE DES INNOVATIONS POUR LA CROISSANCE REND IMPERATIVE L’ETUDE DES SOURCES DES INNOVATIONS
On peut opposer grossièrement deux conceptions différentes des origines du progrès technique et des innovations : la conception exogène s’oppose aux théories de la croissance endogène, qui ont remis aux goûts du jour des analyses plus anciennes qui soulignaient déjà le caractère endogène du progrès technique. Si on revient à la fable de Robinson, le perroquet porteur des innovations est arrivé sur l’île par hasard et il transmet à Robinson des connaissances forgées par les savants, dans la sphère scientifique, sans lien avec le développement économique de l’île et les projets ou le comportement de Robinson. On parle de conception exogène du progrès technique pour désigner toutes les théories qui voient la source des innovations non pas dans le fonctionnement du système productif mais uniquement dans les avancées de la recherche scientifique. On a employé différentes métaphores pour désigner le progrès technique dans ces analyses : " manne céleste ", connaissances apportées par " hélicoptère " dans le système productif. Par opposition à ces conceptions exogènes, on parle de conceptions endogènes du progrès technique pour désigner les analyses qui voient la source des innovations dans le fonctionnement du système économique. Ces conceptions endogènes sont aujourd’hui les conceptions dominantes dans la recherche économique, avec le développement de théories de la croissance qu’on a baptisées " théories de la croissance endogène ".
Les différentes études empiriques semblent remettre en cause les conceptions exogènes du progrès technique. On peut se fonder par exemple sur les études menées par certains historiens sur la Révolution Industrielle, qui font apparaître les conclusions suivantes :
® quand il y avait raréfaction d’une matière première, on inventait un procédé nouveau pour la fabriquer : le système de carbonisation de la houille a été inventé pour résoudre les problèmes posés par la pénurie de bois en Angleterre. Pour fabriquer de la soude, on importait d’Espagne une plante appelée la salicorne. Les guerres de la révolution puis de l’Empire ont bloqué les échanges entre la France et l’Espagne, or la soude était indispensable aux fabricants de savons et de verrerie. C’est à ce moment-là, qu’on a choisi d’utiliser un procédé, inventé dès avant la révolution, qui permettait de fabriquer de la soude à partir de l’acide sulfurique et du sel marin. L’invention existait, c’est pour répondre à un besoin précis qu’elle s’est transformée en innovation. ® l’introduction de machines dans l’industrie textile a répondu à deux besoins : · il fallait économiser de la main d’œuvre. En effet, on observait un développement rapide de la demande et parallèlement une hausse des salaires dans le textile. Si on avait continué à embaucher massivement pour faire face à l’augmentation de la demande, on risquait d’aggraver la hausse des salaires. · la mécanisation permettait d’assurer une production plus régulière, moins dépendante du bon vouloir et de l’habileté de la main d’œuvre, qui n’était pas encore disciplinée. C’était aussi une façon d’assurer une production plus homogène, moins irrégulière en qualité, que la production manuelle. Un ingénieur du XIXème siècle écrit à ce sujet : " les machines ne sont jamais ivres, les excès ne font pas trembler leurs mains, elles ne sont jamais absentes, elles ne font pas grève pour demander une hausse de salaire, leur précision et leur régularité sont sans faille. " Très souvent, l’innovation vient donc du fait qu’elle répond à un besoin, qu’elle permet de résoudre un problème apparu dans la sphère économique, la meilleure preuve étant que souvent l’invention qui sert de base à l’innovation lui préexiste depuis longtemps. On peut citer différents exemples de ce décalage :
Dans les deux cas, chez Schumpeter comme chez Weber, ce sont les comportements des agents dans la sphère économique qui déterminent l’apparition des innovations, ce n’est pas simplement ce qui se passe dans la sphère de la recherche scientifique qui permet qu’elles apparaissent. De façon générale, tous les exemples qui précèdent prouvent qu’on ne peut pas prétendre expliquer l’origine des innovations uniquement en se référant à ce qui se passe dans la sphère scientifique. En ce sens, ils permettent de remettre en cause la conception exogène du progrès technique. Il faut aussi prendre en compte ce qui se passe dans la sphère économique, notamment le comportement et les besoins des agents économiques, que ce soient les entrepreneurs ou les consommateurs. 2.Le rôle de l’Etat et des politiques économiques.
Le premier rôle de l’Etat est de tenir compte du fait que le rendement social (pour la collectivité) d’une innovation est supérieur à son rendement privé (pour l’entrepreneur) : en effet, on a vu à quel point les innovations sont une source de dynamisme pour l’économie, elles ne provoquent donc pas des effets positifs uniquement pour ceux qui les mettent en œuvre. Les théories de la croissance endogènes ont montré que les connaissances scientifiques et technologiques ont un certain nombre de caractéristiques qui en font des biens économiques particuliers :
Ces caractéristiques font que le stock des connaissances génère ce qu’on appelle en économie des externalités positives, ce qui signifie que lorsqu’on produit ces biens particuliers on provoque des effets positifs pour l’intérêt général, pour le système économique dans son ensemble, sans que celui qui les produits soit rémunéré pour ces effets positifs qu’il produit dans l’ensemble de l’économie. On revient à l’idée selon laquelle le rendement social des innovations est supérieur à leur rendement privé. La théorie économique enseigne que dans les cas où il existe des externalités les mécanismes de marché ne permettent pas d’assurer une bonne allocation des ressources, il faut que l’Etat intervienne : en effet, les entrepreneurs privés n’ayant pas à se soucier du bien être général, risque d’avoir tendance à ne pas produire suffisamment les biens qui génèrent ces externalités. Pour favoriser l’apparition des innovations, l’Etat doit donc intervenir en menant une politique encouragent les innovateurs. Cette politique revêt plusieurs aspects :
Le principe de l’accélérateur est souvent considéré comme essentiel pour comprendre les fluctuations de l’investissement. Il est presque toujours intégré dans les modèles qui servent de bases aux études empiriques. Cet effet des variations de la demande constatée et de la demande anticipée agit sur l’investissement en fonction du taux d’utilisation des capacités de production : un supplément de demande anticipée ne provoque un effet sensible sur l’investissement que dans le cas où les capacités de production sont déjà pleinement utilisées, ce qui est rarement le cas dans une période d’activité déprimée en raison de l’inertie assez forte de l’équipement des entreprises : elles ne se séparent que rarement de leurs biens d’équipement en période récession. La faiblesse du taux d’utilisation des capacités de production atténue donc dans un premier temps les effets d’une reprise de l’activité sur l’investissement. On considère qu’aujourd’hui, ce taux est loin d’être à son maximum en France : dans le rapport 1997 sur l’économie française publié par l’INSEE, on peut lire : " malgré la faiblesse des investissements depuis 1990, le taux d’utilisation des capacités de production n’a pas atteint des niveaux élevés. Il a de plus régulièrement baissé en 1995 et 1996, avant de se stabiliser en fin d’année, en s’établissant alors à 82,6% . Au plus fort de la vague d’investissements de la fin des années 80, il approchait 90%. Autre face du même phénomène, les entreprises empêchées de produire par insuffisance des capacités de production sont restées peu nombreuses. " Sur un horizon plus large, les chocs pétroliers des années 70 ont fait apparaître un excès de capacités de production (cf. les analyses de Barrère sur le surinvestissement), qui a ensuite exercé un effet durablement déprimant sur l’investissement.
Le profit joue un double rôle comme déterminant de l’investissement :
On dispose de différents indicateurs du profit, le plus fréquemment utilisé dans les études sur l’investissement est la rentabilité. S’intéresser à la rentabilité comme déterminant de l’investissement c’est aussi mettre en évidence d’autres déterminants sous-jacents. On distingue la rentabilité économique et la rentabilité financière. · La rentabilité économique : c’est le rapport entre le revenu d’une période et le capital avancé en début de période. Si j’investis 1000F et que je récupère 1100F à la fin de la période, j’ai gagné un revenu de 100F grâce à mon investissement, la rentabilité économique est de 10% De façon plus générale, rentabilité économique = EBE/K fixe, c’est une mesure possible du taux de profit, qui se définit comme le rapport entre le profit et le capital avancé. En prenant la rentabilité économique comme mesure du profit, on mesure le profit par l’EBE, ce qui est une vision assez extensive du profit (rappel EBE = excédent brut d’Exploitation = Valeur Ajoutée – consommations intermédiaires – salaires – impôts liés à la production). On ne s’intéresse qu’au capital fixe. On peut procéder à une décomposition comptable de la rentabilité économique, c’est celle utilisée par l’INSEE dans sa fresque historique du système productif, elle permet de mettre en évidence certains déterminants importants de l’investissement. De cette décomposition, il apparaît qu’il existe différents déterminants de l’investissement :
· la rentabilité financière elle est importante à prendre en compte parce que c’est elle qui en dernier ressort motive l’entrepreneur et les actionnaires à investir. Elle se définit de la façon suivante : rentabilité financière = (EBE – frais financiers)/ Capitaux propres là encore, on peut opérer une décomposition On obtient donc : Rentabilité financière = rentabilité économique + l ´ (rentabilité économique – i) Avec l = levier d’endettement et i, le taux d’intérêt Donc pour un niveau de rentabilité économique donné,
On verra comment cet effet de levier a joué sur le niveau d’investissement d’abord dans un sens positif, puis dans un sens négatif. C’est donc la comparaison entre rentabilité économique et le niveau des taux d’intérêt qui est importante pour comprendre les fluctuations de l’investissement. A la suite de Malinvaud, on appelle cette différence la un sens positif, puis dans un sens négatif. C’est donc la comparaison entre rentabilité économique et le niveau des taux d’intérêt qui est importante pour comprendre les fluctuations de l’investissement. A la suite de Malinvaud, on appelle cette différence la profitabilité. On verra comment elle a évolué négativement, ce qui peut expliquer en partie la déprime de l’investissement. On retrouve chez Keynes l’idée que la décision d’investir est guidée par une comparaison entre rentabilité et taux d’intérêt, à travers la notion d’ efficacité marginale du capital. La différence, c’est que l’efficacité marginale repose sur une analyse des rendements escomptés et pas seulement des rendements observés. On retrouve ici l’importance des anticipations chez Keynes.
® la rentabilité économique : c’est le rapport entre le revenu d’une période et le capital qu’on a avancé en début de période. Si j’investis 1000F et que je récupère 1100F à la fin de la période, j’ai gagné un revenu de 100F. La rentabilité de l’investissement est donc : De façon générale, rentabilité économique = EBE/ capital fixe. L’EBE est l’Excédent Brut d’Exploitation, c'est-à-dire ce qui reste à l’entreprise de la valeur ajoutée qu’elle a créée, une fois qu’elle a payé les salaires et les impôts liés à la production. Rappel sur le partage de la valeur ajoutée : On peut décomposer la rentabilité économique, ce qui fait apparaître d’autres déterminants de l’investissement : On peut aussi calculer la rentabilité financière d’un investissement. Sa définition est la suivante : Rentabilité financière = (EBE – frais financiers)/ capitaux propres, les frais financiers sont ceux liés au remboursement des sommes empruntées par l’entreprise pour financer ses investissements, les capitaux propres sont ceux qui appartiennent à l’entreprise par opposition à ceux qui ont été empruntés. Là encore on peut procéder à une décomposition : 3.Le rôle des valeurs : présentation des analyses de Max Weber Le point de départ du raisonnement de Max Weber est le suivant : il cherche à comprendre ce qui fait la singularité de nos sociétés occidentales, ce qui a permis le développement économique caractéristique des sociétés modernes. Il est lui-même témoin de changements très rapides en Allemagne (il vit de 1864 à 1920). Il fait un constat empirique : les pays où s’est développé le capitalisme prioritairement sont aussi ceux qui ont connu la Réforme, avec un poids dominant des prostants, notamment des calvinistes. Il cherche alors à comprendre comment les croyances des premiers capitalistes peuvent expliquer leurs comportements dans la sphère économique, en particulier le fait de chercher à accumuler des richesses sans les dépenser, pour les réinvestir, ce qui est la base du processus d’accumulation du capital. Il cherche le plus possible à pratiquer ce qu’il appelle une méthode compréhensive en sociologie : il faut expliquer les phénomènes en reconstruisant le sens que les individus assignent à leurs activités. En effet, il pense que les phénomènes sociaux ne sont pas simplement le résultat de causes, d’influences extérieures aux hommes. Il refuse toute forme de déterminisme, qui postulerait que l’individu est déterminé par l’action de la société : la société n’existe pas indépendamment des individus qui la composent, ele est le résultat de leurs actions et les individus agissent en fonction du sens qu’il donnent à leurs actions. En résumé, les individus sont des êtres de conscience, pas des automates, ils agissent en fonction de valeurs, de croyances, de représentation, de calculs et ils ne se bornent pas à réagir aux influences extérieures. Son analyse de l’apparition et du développement du capitalisme est un exemple d’utilisation de cette méthode de la sociologie compréhensive. Max Weber se sert des valeurs religieuses pour expliquer le comportement des premiers capitalistes. Au centre de tout, il y a le dogme de la prédestination, qui a eu pour conséquence de générer une angoisse sur le fait de savoir si on est élu ou non. Même si l’élection n’est pas une récompense, même si elle n’est pas le résultat des œuvres à accomplir sur la tere, on se trouve incité par angoisse à rechercher au cours de la vie sur terre les signes de son élection. C’est ce qui aurait incité les calvinistes à tout faire en sorte pour réussir matériellement, de la façon la plus méthodique possible, c'est-à-dire en épargnant et en réinvestissant le fruit de leur épargne. La réussite matérielle pouvait aussi apparaître comme un moyen de glorifier Dieu et l’ascèse comme une façon d’afficher un certain mépris pour la vie terrestre par rapport à la vie après la mort. Sa démonstration part de constats tirés d’études empiriques qu’il avait sous la main:
Par ailleurs, il rappelle la conception calviniste de la religion :
Les liens qui existent entre le développement du capitalisme et le calvinisme sont les suivants selon Weber : Recherche des signes de l’élection on se rassure en accumulant des richesses Dévalorisation des biens terrestres mode de vie ascétique Hausse de l’épargne Hausse de l’investissement Accumulation du capital Le travail apparaît comme une forme d’acomplissement humain, ce qui permet une bonne productivité du travail et des ouvriers obéissants : il y a une forte légitimation de l’ordre social, car la position de chacun est le résultat d’un décret de Dieu. Au delà de cette analyse de la naissance du capitalisme, Weber cherche dans toute son œuvre à comprendre ce qui fait plus généralement la spécificité de nos sociétés modernes. Il résume son analyse en disant que nous vivons dans des sociétés qui sont le résultat d’un processus de " rationalisation ". Il signifie par là que dans toutes les sphères d’activité de la vie sociales on observe un même mouvement vers une organisation plus rationnelle, plus efficace : les comportements résultent de plus en plus de calculs en vue d’une fin, ils sont plus soigneusement réglés. Il donne de nombreux exemples : introduction des règles de comptabilité, detechniques de gestion, apparition à la Renaissance de l’idée d’expérimentation scientifique, de règles plus codifiées en architecture, en art (avec l’invention de la perspective, de règles de construction des œuvres en vue de produire tel ou tel effet sur l’œil du spectateur). Ce mouvement général touche aussi le droit, avec une codification beaucoup plus précise des règles à appliquer. Plus généralement, on peut considérer que les actions des individus sont de plus en plus fondées sur des motivations rationnelles, c'est-à-dire une adaptation réfléchie des moyens aux fins que l’on poursuit, ce que Weber appelle des " actions rationnelles en finalité " ou instrumentales. Elles sont moins souvent fondées sur d’autres motifs : religieux, respect de la tradition ou motif afectif. Le fait que chacn suive ainsi dans ses actions des règles plus précises en fonction des fins qu’il poursuit, entraîne le fait que ses actions sont prévisibles, on peut mieux prévoir le comportement des uns et des autres. C’est particulièrement vrai des décisions de justice, on abandonne " la justice du cadi " : le cadi rend justice, ces décisions sont impénétrables, à la façon d’un sage, mais sans code préétabli, au contraire, le magistrat est chargé d’appliquer la loi, pas de la faire, pas de dire le droit. En ce sens, la rationalisation du droit est un progrès, car elle est synonyme d’une disparition de l’arbitraire, d’une plus grande objectivité. Toutes les décisions peuvent être justifiées en référence à des règles codifiées, elles échappent aux motivatios affectives. On se dégage progressivement de l’emprise de la religion, du sacré ou de la tradition. Cependant Weber n’a aps une vision idyllique de la rationalisation :
4. Le rôle des transferts de technologie (voir dossier de documents) III. INNOVATIONS ET CRISE A.Les interprétations de la crise en termes de cycles inspirées par Schumpeter Les analyses de Schumpeter sur les innovations relient directement l’apparition des grappes d’innovations et l’existence de fluctuations économiques cycliques. Son objectif est de fournir une interprétation des cycles, notamment des cycles longs mis en évidence par Kondratieff dans les années 20 . Il s’agit de cycles d’une périodicité de 50 à 60 ans environ. Pour expliquer le caractère cyclique de l’activité économique, il souligne deux points importants : - les innovations n’apparaissent pas de façon régulière, elles apparaissent par " grappes " autour d’innovations majeures, qui révolutionnent le système
Schumpeter dans ses textes analyse lui-même les trois premiers cycles, puis son analyse a été prolongée pour la période des trente glorieuses et la période de croissance molle qui a suivi Toute la question est de savoir à quel moment du cycle nous nous trouvons aujourd’hui, en d’autres termes, si les innovations actuelles dans les technologies de l’information, les biotechnologies et les nouveaux matériaux peuvent constituer la base d’une nouvelle période de croissance forte. Sur ce point, il existe des débats. Ces innovations présentent l’aspect d’innovations fondamentales, dans la mesure où elles sont susceptibles de nombreuses applications et où elles ont déjà commencé à révolutionner la vie économique. Dans un article publié par Problèmes économiques (20-27 mars 96) on peut lire par exemple : " A la voiture personnelle, autre symbole d’abondance des années 60, répond en écho le micro-ordinateur. Aux routes et autoroutes de béton correspondent les réseaux de transmission des informations et les autoroutes électroniques, qui s’apprêtent à révolutionner radicalement le mode de vie de chacun. En permettant, tout comme l’avait fait le couple automobile / route, d’inventer de nouvelles façons d’aller au bureau, au supermarché, au cinéma. Non plus en voiture, mais cette fois en " modem ". " C’est cette idée qui fait que de nombreux dirigeants politiques soulignent l’intérêt des technologies de l’information comme source de croissance. Clinton a parlé dès son élection de " new deal électronique ", sans doute inspiré par les économistes de son cabinet. C’est actuellement le cas aussi au niveau européen, où des initiatives sont prises pour favoriser l’utilisation des ces nouvelles technologies. Malgré ces arguments en faveur de l’optimisme, certains auteurs sont plus réservés, c’est le cas de Boyer et Durand, dans un ouvrage intitulé L’après-fordisme : ils y développent notamment l’idée que les nouvelles technologies ne se comporteront pas nécessairement comme les précédentes et qu’on pourrait assister à une exception en termes de cycle long. Leur argumentation repose sur l’opposition entre les effets certains de ces nouvelles technologies en matière de gain de productivité et l’incertitude concernant leurs effets sur la demande. Concernant les effets sur la productivité, ils font remarquer les choses suivantes :
Concernant l’impact de ces innovations sur la demande, ils font remarquer les choses suivantes :
Le risque est donc pour ces deux auteurs qu’on assiste à de très forts gains de productivité sans qu’une nouvelle norme de consommation soit créée et que donc on assiste à des pertes d’emploi nettes assez importantes. B.La crise et le ralentissement des gains de productivité. La crise, on l’a déjà vu, s’est accompagnée d’un net ralentissement des gains de productivité dans tous les pays occidentaux :
1960-1973 : 4.6% 1973-1979 : 1.6% 1979-1993 : 1.6%
1960-1973 : 5.4% 1973-1979 :2.9% 1979-1993 :2.2%
Le schéma est le suivant : ralentissement du progrès technique ® gains de productivité réduits ® crise. Généralement les explications de ce type insistent sur le fait que le ralentissement des gains de productivité commence à se faire sentir dans la plupart des pays dès le milieu des années 60, c'est-à-dire avant le déclenchement de la crise. Il existe deux types d’explication, qui entent dans cette catégorie :
On se serait trouvé au début des années 70 à la fin de la phase de rattrapage des niveaux de productivité américains. A la fin des années 50, les Etats-Unis se détachaient nettement des autres pays : au royaume uni, en France, en Allemagne le niveau de productivité était à peu près la moitié du niveau américain. C’est la grande époque des missions de productivité envoyée aux Etats-Unis (cf. article du Monde). Le japon et ‘Italie sont eux encore plus loin derrière. On observe d’ailleurs à l’appui de cette thèse du rattrapage que plus le niveau de productivité était faible dans les années 50 et plus les gains de productivité ont été élevés. Cette thèse peut expliquer une partie du ralentissement des gains de productivité mais elle ne peut pas rendre compte du ralentissement observé aux Etats-Unis même.
Tout le monde s’accorde sur le fait que les effets de la dernière vague d’innovations se sont épuisés et personne ne soutient qu’il y a absence de progrès technique, c’est le paradoxe soulevé par Solow : " les ordinateurs sont partout sauf dans les statistiques du PIB ". Ce qui fait débat ce sont les interprétations du paradoxe de Solow.
2.Les effets du ralentissement de la croissance sur la productivité. Les analyses de Paul Dubois pour la France mettent en évidence le fait qu’aucun ralentissement des gains de productivité n’est observable en France avant 1973. Il observe une rupture concomitante à la crise, la productivité globale des facteurs augmentant en moyenne de 4% par an entre 1957 et 1973 puis de 2% seulement entre 1973 et 1984. D’après les estimations qu’il a menées, seulement 1 /3 du ralentissement des gains de productivité pourrait être imputée au progrès technique eu aux problèmes d’organisation du travail, tout le reste s’explique par l’impact de la crise elle-même. On dispose d’une série d’études empiriques qui ont essayé de montrer qu’en période de ralentissement de la croissance, on observe mécaniquement un ralentissement de la productivité. Elles ont débouché sur deux lois
On considère généralement que cette loi est vérifiée jusque dans les années 70, mais que si elle était restée valide ensuite, le ralentissement de la productivité aurait été plus fort.
La méfiance à l’égard des machines qui prennent le travail des hommes est ancienne :pendant la première révolution industrielle, on observe des révoltes ouvrières qui se manifestent par la destruction de machines. En 1830 à Lyon se produit la révolte des canuts dans les ateliers de soierie. Par ailleurs, il est clair qu’à production constante, si on augmente la productivité, le nombre d’emplois diminue. A cette méfiance, les économistes ont traditionnellement opposé un discours plus optimiste sur les conséquences du progrès technique en terme d’emploi. L’idée popularisée en France par Sauvy dans La machine et le chômage ou par Fourastié est que le progrès technique permet de réer plus d’emplois qu’il n’en détruit, pour trois raisons :
Globalement, le raisonnement des économistes repose sur l’enchaînement suivant : les gains de productivité sont des moteurs importants de la croissance à long terme et donc le progrès technique loin d’être la cause du chômage permet au contraire de créer des emplois. Si on regarde ce qui se passe sur longue période, les périodes où les gains de productivité sont élevées sont aussi des périodes de forte croissance et de chômage faible. En fait, quand il y a des gains de productivité, le fait que l’emploi augmente ou diminue, dépend des variations de la demande et du rythme de croissance en général. Rappel sur le lien entre croissance, productivité et emploi :
Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’il n’existe pas de liens mécaniques entre productivité et emploi, c’est ce point que nous allons analyser en étudiant l’existence de modèles nationaux différents.
Certains économistes ont même souligné le fait que les inégalités de revenus, qui résultaient de cette grande flexibilité sont favorables à la création d’emploi, notamment dans les services aux particuliers. En effet, pour que je puisse payer les services d’une femme de ménage alors que je suis capable de faire moi-même le ménage, il faut que je gagne plus qu’elle en une heure de travail. Même chose si je veux payer quelqu’un qui s’occupe de mes enfants, me prépare les repas ou carrément un domestique. Jean Fourastié rappelle qu’il y a 200 ans un conseiller d’Etat gagnait 100 fois plus qu’une employée de maison, il était donc plus facile d’avoir une domesticité nombreuse. Le raisonnement est valable pour toutes les activités domestiques que l’on peut transformer en services marchands : faire la lessive, le repassage, promener le chien, garder les enfants ou le tamagochi … Le développement de ces sphères d’activités faiblement productives ne peut se faire que si les écarts de rémunération sont importants. André Gorz parle du développement d’une " nouvelle domesticité " : il existe des gens qui n’ont à offrir sur le marché du travail que leur disponibilité, leur temps à d’autres qui ont moins de temps et plus d’argent, ce qu’on achète c’est leur disponibilité pour qu’ils effectuent à note place des tâches que nous pourrions parfaitement accomplir. Le modèle américain est donc marqué par une grande flexibilité des salaires, qui permet de verser des salaires très faibles pour ces tâches peu productives, ce qui permet à la " great job machine " de fonctionner : entre 1974 et 1988 le nombre d’emplois a augmenté en moyenne de 2% par an aux Etats-Unis et de 0% par an en Europe. Pour l’industrie, le contraste est plus saisissant encore, les effectifs ont augmenté de 8% aux Etats-Unis et ont chuté de 22% en France. La productivité augmenté moins vite aux Etats-Unis qu’en France, du fait de la création de nombreux emplois peu productifs (remarque des études récentes sur la création d’emplois aux Etats-Unis sur les dernières années montrent que tous les emplois créés n’entrent pas dans cette catégorie, qu’il y a aussi création d’emplois qualifiés dans des secteurs très productifs), ce qui a permis une relation croissance /emplois plus favorable à l’emploi pour les Etats-Unis. En France et en Europe de façon plus générale, on a eu la combinaison d’un ralentissement de la croissance et du maintien de gains de productivité élevés, la croissance a donc été moins riche en emplois. Comme le fait remarquer Daniel Cohen, entre le modèle européen et le modèle américain ce n’est pas le niveau du progrès technique qui est en cause mais, la productivité du travail peut augmenter plus faiblement dans une économie si elle a la possibilité de tirer partie d’une main-d'œuvre nombreuse pour baisser les salaires. Les partisans de la réduction du temps de travail tirent argument de la comparaison entre les deux modèles pour dire que si on refuse le retour à une nouvelle domesticité, si on considère que le progrès technique libère l’homme d’emplois pénibles et qu’on fait donc le choix de maintenir des gains de productivité élevés dans un contexte de croissance ralentie, il faut alors envisager un partage du travail et que si on ne s’engage pas sur cette voie, on risque d’aboutir à un dualisation de la société entre chômeurs et actifs occupés, c'est-à-dire à une société inégalitaire comme celle des Etats-Unis même si la ligne de partage ne passe pas entre travailleurs riches et travailleurs pauvres mais entres les chômeurs et les autres. En résumé, en période de croissance ralentie avec un niveau élevé de progrès technique, on a le choix entre deux formes de société inégales, sauf si on entreprend de partager le travail ou de relancer la croissance.
Chapitre 2 : L’ORGANISATION DU TRAVAIL COMME FORME PARTICULIERE D’INNOVATION
Il débute La richesse des nations par son analyse de la manufacture d’épingles. La thèse centrale qu’il cherche à développer dans les trois premiers chapitres est la suivante :
® en se spécialisant dans une tâche très précise, l’ouvrier devient plus habile, plus efficace. Il existe des effets d’apprentissage liés à la spécialisation. ® on ne perd plus de temps en passant d’une tâche à l’autre, on diminue les temps morts qui favorise ce que Taylor appellera la " flânerie ". ® la division du travail encourage l’apparition de machines, qui augmentent la productivité, de deux façons : · quand on se cantonne dans une seule tâche, on est incité à imaginer des innovations de procédé. C’est l’intérêt personnel des ouvriers, qui les poussent à inventer des machines propres à alléger leur tâche . · la division du travail fait que certains se spécialisent dans les tâches intellectuelles (les " savants ", les " théoriciens ") et, en se consacrant à la réflexion, ils peuvent inventer de nouvelles machines.
Ce mécanisme est malgré tout limité par l’étendue du marché : il faut que chacun puisse trouver des débouchés pour sa production personnelle qui augmente. Cette idée est importante, elle sera reprise par la suite dans les analyses sur l’après-fordisme : réaliser des gains de productivité importants peut permettre le développement d’une production de masse, mais si la consommation ne suit pas, les marchés sont saturés et des blocages apparaissent.
Quelques définitions :
® pendant longtemps, jusqu’à la première Révolution industrielle et au delà, on a surtout observé une division sociale du travail. Ce qui prédominait c’était une logique artisanale, une logique de métier, où chaque producteur réalise lui-même un produit fini dans son ensemble. Quand les évolutions de la demande nécessitaient une réorganisation du travail vers plus d’efficacité, cette réorganisation prenait la forme de l’apparition de nouveaux métiers, chaque corporation se divisait en sous-spécialités de plus en plus précises. ® c’est l’apparition puis le développement des manufactures qui va favoriser le développement de la division technique du travail : les producteurs ne sont plus aussi indépendants, ils travaillent sous la direction de quelqu’un qui leur distribue les matières premières et les tâches à réaliser (même s’ils ne sont pas toujours regroupés dans un même lieu : en France, le " putting out system , c'est-à-dire un système de travail à domicile, s’est maintenu longtemps après l’apparition des usines, notamment dans l’industrie textile, où les métiers à tisser sont installés dans les fermes). C’est à partir de ce moment-là que peut naître et se développer la parcellisation des tâches. Marx insiste sur le fait qu’à partir de ce moment-là, l’ouvrier perd le contrôle du produit fini, il n’en réalise qu’une partie et ne peut donc pas vendre le produit de son travail de façon indépendante. Ceci dit, à cette étape, l’ouvrier est encore maître de la façon de produire. Ce développement des manufactures a permis de gros gains de productivité, donc une baisse des prix et un développement de la demande. ® c’est avec l’élargissement du marché intérieur, qui résulte de la phase précédente, qu’on assiste à une nouvelle phase, avec l’apparition des usines : la production se fait dans un même lieu, ce qui permet trois choses :
® c’est à la fin du XIXème siècle que se mettent en place aux Etats-Unis des formes plus extrêmes de division technique du travail. Le livre de Taylor sur l’organisation scientifique du travail date de 1893. C’est une nouvelle étape :
L’objectif est d’obtenir des gains de productivité élevés en luttant contre la " flânerie systématique " des ouvriers repérée par Taylor lorsqu’il était contremaître, et en étudiant scientifiquement, grâce aux ingénieurs du " bureau des méthodes ", la meilleure méthode pour produire, le " one best way ". C’est la naissance des " chronométreurs ", on voit se développer les tâches de surveillance et de contrôle, de conception, qui ne sont pas directement productives. Il est possible de financer ces postes grâce au développement de la demande, qui permettait de produire à grande échelle et donc d’amortir ces coûts. Voici la description des projets de Taylor par le romancier américain Dos Passos : " Frederick Winslow Taylor (on l'appelait Taylor la Flèche à l'usine) naquit à Germantown, Pennsylvanie [...]. Son père était avocat, sa mère était la fille d'un capitaine de baleinjer de New Bedford [...]. Elle avait ainsi posé ses règles de conduite: Respect de soi-même, confiance en soi - même, contrôle de soi-même. Et un bon cerveau pour les chiffres. [...] Fred Taylor ne fuma jamais, ne but jamais d'alcool, ne prit jamais ni thé ni café. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi ses camarades d'atelier avaient besoin de faire la bombe, de se saouler et de faire du potin chaque samedi soir. [...] La Pennsylvanie à cette époque s'enrichissait grâce au fer et au charbon. A vingt-deux ans, Fred Taylor alla travailler aux usines métallurgiques de Midvale. Tout d'abord, il dut accepter un travail de bureau, mais il n'aimait pas ça et il allait travailler avec une pelle. Il fut enfin mis à un tour. Il était bon ouvrier, travaillait dix heures par jour et, le soir, suivait un cours technique à Stevens. En six ans, il passa [...] d'aide-ouvrier t...] à ingénieur en chef des usines Midvale. Les premières années de son travail, ouvrier parmi les autres ouvriers de l'atelier, il jurait, plaisantait, trimait comme eux et faisait la grève perlée quand il le fallait. Il s'agissait de ne pas donner au patron plus que pour son argent. Devenu surveillant, il passa de l'autre côté de la barricade, "rassemblant pour le compte des patrons toute la masse de savoir traditionnel entassée au cours du passé, dans la cervelle des ouvriers, avec des détails sur l'adresse physique et le coup de main des travailleurs". Il ne pouvait pas plus voir un tour inoccupé qu'un homme paresseux. Le " rendement " lui monta à la tête et surexcita ses nerfs privés de sommeil, exactement comme auraient pu le faire l'alcool ou les femmes les soirs de paye. Il ne flânait jamais et jurait s'il voyait quelqu'un le faire. Le "rendement" était comme une démangeaison sous sa peau. Il perdit ses amis d'atelier qui le traitèrent de négrier. C'était un petit homme au caractère vif et à la langue méchante. J'étais jeune alors, si l'on tient compte seulement des années, mais je vous donne ma parole que, du fait des soucis, des petitesses et du mépris que l'on ne peut qu'avoir pour les gens et les choses, j'étais bien plus âgé que je ne le suis maintenant. C'est une chose horrible, pour n'importe quel homme, de ne pouvoir regarder un ouvrier dans les yeux sans y lire l'hostilité et sans se dire que chaque être qui vous entoure est un ennemi éventuel. C'est ainsi que commença le système Taylor d"' organisation scientifique". Il était impatient de démontrer le bien-fondé de sa théorie. Peu lui importait la peau de ceux qu'il sacrifiait à l'application des lois qu'il croyait inhérentes au progrès industriel. [...] C'était sa gloire de pouvoir dire qu'il n'avait jamais demandé à un ouvrier plus que celui-ci ne pouvait donner. Il imagina un marteau-pilon amélioré, il standardisa les outils et les équipements. Il remplit les ateliers d'étudiants armés de chronographes et de schémas qui tabulaient et standardisaient tout. "Il y a deux façons de faire une chose: la bonne et la mauvaise. La bonne : rendement accru, coût de revient plus bas, salaire plus élevé, plus gros profit. C'est le plan américain." Il subdivisa la tâche du chef d'équipe en différentes fonctions : chef de vitesse, chef de groupe, chef d'étude, chef de roulement. A ses yeux, les ouvriers spécialisés étaient trop récalcitrants. Il leur préférait le simple manoeuvre prêt à faire ce qu'on lui disait. Si c'était un ouvrier de première classe et qu'il fît un travail de première classe, Taylor était tout disposé à lui payer un salaire de première classe. C'est alors qu'il commença à avoir des ennuis avec les actionnaires. A 34 ans, il se maria et quitta Midvale pour se lancer dans les grandes affaires avec une usine à papier, montée dans le Maine par quelques amiraux et des amis politiques de Grover Cleveland. La panique de 1893 réduisit l'entreprise à néant. Taylor inventa alors pour lui-même le poste d' lngénieur-Conseil-Organisateur, et commença à édifier sa fortune sur des placements de père de famille. La première communication qu'il lut devant la Société américaine des ingénieurs-mécaniciens fut tout, sauf un succès. On le prit pour un fou. " J'ai constaté, écrivait-il en 1909, que toute amélioration soulève, non seulement une simple opposition, mais encore une résistance agressive et féroce de la part de la majorité des hommes." C'est alors qu'il fut appelé aux Aciéries de Bethlehem, et c'est là qu'il fit ses fameuses expériences sur la manutention des lingots de fonte. Il enseigna à un Hollandais appelé Schmidt, à manipuler 47 tonnes de lingots au lieu de 12 et demie. Il fit également déclarer à Schmidt qu'il ne s'en portai pas plus mal en fin de journée. La question des pelles était sa manie. À chaque travail devait correspondre une pelle d'un poids et d'une grandeur exactement calculés pour ce travail. Chaque tâche devait également être faite par un homme dont le poids et la taille correspondaient exactement à cette tâche. Mais quand il commença à payer ses hommes en proportion de leur rendement accru, les propriétaires, un tas de Hollandais avides qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, se mirent à jeter des hauts cris. Quand Schwab acheta les Aciéries de Bethlehem en 1901, Fred Taylor, inventeur du rendement scientifique, qui avait doublé la production des ateliers de frappe en faisant passer de 96 à 225 tours à la minute les révolutions des courroies de transmission principales, fut sans aucune cérémonie mis à la porte. Il écrivit des articles, il fit des conférences dans les Universités, il prit la parole devant un Comité du Congrès, partout, il prêcha les vertus de l'organisation scientifique (...) Il prêcha la réduction des pertes et de la paresse ainsi que la substitution aux ouvriers spécialisés de simples manoeuvres (tel Schmidt, le manipulateur de lingots) qui faisaient exactement ce qu'on leur disait, et travaillaient aux pièces. Rendement : grand mot qui représentait: un plus grand nombre de rails d'acier de bicyclettes de bobines de fil de plaques blindées de bassinoires de fils de fer barbelés d'aiguilles de paratonnerre de roulements à billes de dollars; " Rendement", qui rendait riche tout Américain de première classe, acceptant de travailler aux pièces, de ne plus boire, de ne plus faire la bombe, de ne plus penser ou bayer aux corneilles devant son tour. Grâce à cela, Schmidt l'économe, Schmidt le manipulateur de lingots, pourrait placer son argent et devenir propriétaire, tout comme Schwab et le reste des petits Hollandais avides à courte vue [...] et codifier des règles de conduite; le Plan américain. Mais Fred Taylor ne vit jamais le Plan américain en action. En 1915, il entra à l'hôpital de Philadelphie à la suite d'une dépression. Toute sa vie, il avait eu l'habitude de remonter sa montre chaque après-midi à 4 heures 30. L'après-midi de son 59ème anniversaire, quand l'infirmière, à 4 heures 30, entra dans sa chambre pour voir comment il allait, il était mort, sa montre à la main. " John Dos Passos, La grosse galette ® les apports de Ford au début du XXème siècle :
- en faisant l’historique des formes prises par la division du travail, on assiste à une perte progressive de l’autonomie des ouvriers et on passe à un contrôle de plus en plus précis des façons de faire et du rythme de travail.
® Une production de masse grâce à une standardisation des produits en lien avec l’organisation du travail. La production à la chaîne pour être rentable nécessite la standardisation des produits pour réaliser de grosses économies d’échelle. ® Ford introduit le " five dollars day ", c'est-à-dire un salaire de 5 dollars par jour alors que ses concurrents ne payaient leurs ouvriers que 2 ou 3 dollars par jour. Grâce à des salaires élevés, on peut développer la consommation de masse nécessaire à l’écoulement de la production de masse, " mes ouvriers seront mes premiers clients " selon la formule de Ford. L’étude des carnets de Ford et de ses discours de l’époque semblent montrer que l’idée de développer la consommation grâce à la distribution de salaires plus élevés est peut-être une reconstruction a posteriori de la part de Ford. En effet, ce qui ressort de ses mémoires, c’est d’abord qu’il a eu beaucoup de mal à imposer la chaîne de montage dans ses usines, il était confronté à des grèves, à de l’absentéisme et à un turn-over très élevé. Dans ce contexte, payer les ouvriers davantage que chez les concurrents était une façon d’acheter la paix sociale. Ceci dit, ce qu’on a retenu de Ford, c’est l’intérêt de bien payer les ouvriers pour développer la consommation de masse, typique de la période fordiste.
Ils reposaient sur un équilibre entre production de masse et consommation de masse, qui était fondé sur la diffusion progressive d’un certain nombre de biens porteurs : l’automobile, les appareils électroménagers, la télévision et le matériel hifi, le mobilier. Par ailleurs, le développement de la demande était soutenu par trois mécanismes :
Les auteurs de l’école de la Régulation insistent sur les conditions qui permettaient le maintien de ces cercles vertueux production de masse consommation de masse Les deux conditions les plus importantes étaient :
® le besoin de produits de plus en plus diversifiés remet en cause la stratégie de standardisation et les économies d’échelle qui lui était liées. Cette diversification des gammes est peu compatibles avec l’organisation fordiste du travail. ® les fluctuations de la demande en quantité et en qualité nécessitent un mode de production plus flexible. ® les consommateurs se montrent plus exigeants sur la qualité des produits, or le système fordiste ne permettait pas toujours d’assurer des produits de qualité.
® présentation des principes du toyotisme Ces principes on été imaginés par Taïchi Ohno, qui a été ingénieur puis vice-président de Toyota. Ils ont été expérimentés et progressivement mis en place pendant une quinzaine d’années avant d’être adoptés par tout le groupe au milieu des années 60. On résume souvent ces principes par les " cinq zéro " :
· on recherche l’application du principe du " juste-à-temps ", qu’on appelle aussi production " en flux tendus " : il faut éviter les stocks qui coûtent cher mais en même temps il ne faut pas faire attendre le client (" zéro délai "). Pour parvenir à organiser cette production " juste-à-temps ", Ohno change le sens de circulation de l’information et des ordres : alors que dans le système fordiste, c’était ce qui se passait en amont qui déterminait ce qui se passait en aval, Ohno organise le système inverse : on part de l’ordre de vente enregistré chez un concessionnaire, puis on remonte la chaîne de production. A chaque étape, on ne produit que les pièces nécessaires, en fonction des besoins exprimés par l’aval. La circulation de l’information se fait à l’aide de petites fiches cartonnées qu’on appelle les " kanbans ". Ce système présente l’avantage d’une adaptation plus facile aux variations de la demande à la fois en quantité et en diversité. · deuxième principe : le " kaizen ", qui se traduit par la recherche permanente de l’amélioration. Concrètement, il s’agit de la mise ne place de cercles de qualité, avec l’idée de façon générale d’assurer un contrôle permanent de la qualité et non plus seulement un contrôle a posteriori, comme c’était le cas dans les usines fordistes : s’il constate que tout va bien, le bureau des contrôles est inutile, s’il constate des défauts, c’est trop tard, c’est donc une source de gaspillage. Le contrôle de qualité ne s’applique pas qu’au processus de fabrication, il porte aussi sur la conception du produit, l’écoute du client,… Cette recherche de la qualité, s’appuie aussi sur l’autonomation, c'est-à-dire l’utilisation de machines qui s’arrêtent automatiquement en cas d’anomalie, ce qui permet que la même personne puisse en surveiller plusieurs. · pour le travail même, on peut constater une séparation entre la conception et l’exécution moins nette que dans le système fordiste, le retour à une certaine polyvalence des tâches : ces changements se traduisent aussi dans le vocabulaire puisque les ouvriers sont appelés " opérateurs ", ils doivent pouvoir réagir en cas de problèmes et ne sont plus cantonnées dans une seule tâche. ® Taylor est-il mort ? Constat : les méthodes de Toyota ont été importées dans un certain nombre d’entreprises à l’étranger, par la plupart des observateurs du monde du travail notent des évolutions allant dans ce sens : le " juste-à-temps " se développe comme les politiques de " qualité totale ", on observe un certain décloisonnement des fonctions, un allègement de la hiérarchie, le retour à une certaine polyvalence, mesurée par la fréquence de la rotation des tâches. Ce constat commun amène les auteurs à des conclusions différentes :
Les enquêtes empiriques mènent à des conclusions nuancées : on peut dire que l’autonomie se développe, mais qu’il s ‘agit d’une autonomie très contrôlée, avec la mise en place de procédures de contrôle du travail individuel de plus en plus strictes. Une enquête de 1992 menée par l’INSEE sur la diffusion des innovations en matière d’organisation du travail montrait les choses suivantes :
Ces mêmes entreprises ont mis en place parallèlement une description plus précise et plus codifiée des tâches à effectuer et un contrôle plus précis et plus individualisé des tâches réalisées. Exemple, dans certains grands magasins, les tâches des caissières sont très codifiées, elles doivent en particulier dire bonjour et adresser un sourire à chaque client. Si on observe l’évolution des contraintes de rythme imposées aux salariés, entre 1984 et 1991, pour l’ensemble de la population, ces contraintes ont augmenté. L’enquête utilise différents indicateurs :
Ceci dit, il faut distinguer, sur ce point du contrôle exercé sur les salariés, les différentes innovations organisationnelles :
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