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Gabriel TARDE,
« Qu’est-ce qu’une société », Les lois de l’imitation,
Alcan, 1980 ; Kimé, 1993. Herbert SPENCER, »Une
société est un organisme », Principes de sociologie
(theprinciples of Sociology, 3 vol, London, William &
Norgate, 1876-1896), trad.E.Cazelles, J. Gerschel et H. de Varigny,
5 vol, Paris, Germer Baillière, 1878-1898.
H.Spencer
compare la société à un organisme : Le sociologue anglais Herbert
Spencer analyse la société dans son ouvrage Principes
de sociologie (The principles of sociology). Pour lui,
il existe des différences entre les sociétés. Elles évoluent de
formes simples vers des formes complexes. Il regarde la société
comme une chose et il affirme que « la société est un organisme ». Comment peut-il comparer la société à un organisme humain ? Quelle est sa méthode d’analyse ? Sa méthode procède par l’analogie, il
fait une analogie entre les corps vivants et les corps sociaux.
Il commence sa description à partir de l’embryon et détaille sa
croissance. Au début l’embryon est constitué de peu de parties,
plus sa masse augmente, plus les parties se développent. Il observe
que dans les sociétés primitives, au début il y a peu de
différence en nombre et en degré. Par contre si le nombre des
membres de la société augmente, cela provoque des divisions et
des subdivisions. A l’intérieur de la société des différenciations
s’imposent. Les modifications de la structure impliquent
des différenciations dans les fonctions. Pour H.
Spencer, les parties de l’organisme ne sont pas autonomes
mais elles contribuent les unes les autres à la vie de l’ensemble.
Il note à ce propos : « Chacune a une fonction spéciale
qui est une partie de la fonction générale ». Mais aussi
plus loin : « Les changements des parties se déterminent
mutuellement ». La modification d’une partie peut de
proche en proche entraîner une modification de l’ensemble. Par
rétroaction la partie initiale étant elle-même affectée
par la modification de la structure d’ensemble. Pour H. Spencer, la société n’est qu’un terme. Les composantes de la société existent par elles-mêmes mais c’est la continuité des relations entre les parties qui importe, il écrit notamment : « C’est la permanence des relations existantes entre les parties constituantes qui fait l’individualité d’un tout et qui la distingue de l’individualité des parties ». H. Spencer fait l’analogie avec une maison, ce sont des briques et des pierres qui constituent dans leur assemblage permanent une bâtisse. G. Tarde utilise son concept basé sur l’imitation : Dans son livre : Les lois de l’imitation, Gabriel Tarde s’interroge sur la nature de la société et il pose la même question qu’Herbert Spencer : « Qu’est-ce qu’une société ? ». Pour lui, la société est « une mutuelle détermination d’engagements ou de consentements, de droits et de devoirs, qu’une mutuelle assistance ». G. Tarde appréhende la société comme le produit
des actions réciproques des individus. Pour lui, « l’individu
écarté, le social n’est rien ». Il tente d’expliquer les
phénomènes sociaux en permanence en fonction de la réalité vécue
par les individus. Pour G. Tarde, les « individus se voient
et s’entre-influencent par plaisir ». La socialisation
se fait par imitation ou par « assimilation imitative ».
Il définit le groupe social : ce sont pour lui des
êtres qui s’imitent mutuellement. Les êtres humains s’imitent
mais aussi les animaux et tout individu aspire à la vie sociale.
Pour G.Tarde, la société est avant tout une « association ». Pour G. Tarde, « On ne naît pas, on devient
semblables ». Pour lui, le processus de socialisation
se déroule tout au long de la vie et l’enfance est un moment essentiel
où le jeune individu apprend les valeurs et les normes
de la société. Les parents jouent un rôle primordial dans
cet apprentissage. G. Tarde met en avant le phénomène de la propagation
qui doit être l’objet de répétition. Pour lui, l’organisation
de la société n’est qu’un moyen, ce qui est important, c’est l’imitation
qui constitue le but. La psychologie se substitue à la
sociologie dans cette phase. Il écrit à ce propos : « Ce
que veut la chose sociale… c’est se propager et non s’organiser…..qu’est-ce
qu’une société ? c’est l’imitation ». Il compare l’homme social à un somnambule,
l’homme serait hypnotisé et la réalité sociale ne serait
qu’un rêve. Il note ceci : « L’état social….n’est
qu’une forme de rêve, un rêve de commande et un rêve en action ».
Au début, écrit-il, « un homme monopolise toujours le
pouvoir et le droit d’enseigner ; nul ne le lui conteste ».
La domination d’un seul individu joue un rôle important
et se retrouve dans tous les types de société. Comme dans l’analyse
weberienne de la domination où le charisme joue
un rôle important, ce qui compte pour Tarde, c’est le « prestige » attaché aux individus. La
place du père dans le processus de socialisation est mis
en avant, il note : « le père est et sera toujours
le premier maître, le premier prêtre, le premier modèle du fils ».
La domination ne se fait pas par la force mais par le « prestige ».
L’imitation peut se faire aussi par la « fascination ». L’imitation en se généralisant se transforme
dans tous les actes de la vie quotidienne, G. Tarde écrit notamment :
« penser spontanément est toujours plus fatigant que penser
par autrui ». La vie dans les villes est pour G. Tarde
l’expression la plus manifeste de la vie en société, il s’interroge :
la vie urbaine, n’est-ce pas la vie sociale concentrée et poussée
à bout ? ». L’imitation et la « suggestion réciproque »
sont au cœur de la pensée tardienne. Sa démarche est avant tout
d’ explication psychologique. G. Tarde explique la société
par une relation interpsychologique. En conclusion du chapitre
il écrit : « La société, c’est l’imitation, et l’imitation,
c’est une espèce de somnambulisme ». L’imitation tardienne et l’analogie spencerienne donnent une explication subjective de la société : G. Tarde explique la société en particulier à
l’aide d’une théorie construite autour de l’imitation et
de ses lois. Tous les rapports sociaux sont des rapports
de suggestion. L’explication a toujours une base psychologique
et l’imitation permet de comprendre le mécanisme de propagation.
Pour G. Tarde, l’imitation
est le « fait social élémentaire ». G. Tarde critique
aussi l’évolutionnisme d’H. Spencer. On peut s’interroger sur
la validité scientifique de la théorie tardienne. G. Tarde s’intéresse
à la relation inter-individuelle qu’il situe au centre de sa conception
de la société. Quant à H. Spencer son approche est différente.
Pour Tarde la sociologie laisse la place à la psychologie et la
société ne se comprend que dans un processus d’interactions.
Les individus s’imitant les uns les autres où un être de prestige.
L’approche tardienne est psycho-sociologique. Pour H. Spencer, la sociologie s’apparente à la biologie,
ce sont des sciences de la réalité organisée et évolutive.
H. Spencer construit une théorie de l’évolution,
les corps organisés évoluent des formes simples aux formes
complexes, de l’homogène à l’hétérogène, de l’indifférencié au
différencié. Pour H. Spencer, « une société est un organisme ».
Cette phrase veut exprimer que l’évolution et l’organisation sont
identiques entre la société et un organisme. Mais la société
n’est pas un être vivant soumis aux lois de la nature humaine.
La croissance de l’organisme avec une complexification de ses
fonctions s’apparente à l’évolution des sociétés avec la multitude
de ses institutions par exemple. La complexification des sociétés
et de l’organisme s’accompagne d’une différenciation des fonctions.
L’approche spencerienne est comparatiste, celle de G. Tarde
est plus virtuelle. H. Spencer remarque des dissemblances entre
société et organisme. La société se compose d’unités discrètes
tandis que l’organisme est une totalité achevée. H. Spencer utilise
la méthodologie biologique pour répondre à sa question
initiale sur la société. La comparaison entre « sociétés militaires » et « sociétés industrielles » est un classique de l’analyse spencerienne. Elle rejoint dans le même genre la comparaison durkheimienne entre solidarité mécanique et solidarité organique et la comparaison tonniesienne entre communauté et société. Pour H. Spencer, la
société se construit progressivement, il faut qu’il existe une
permanence entre les unités et aussi une indépendance nécessaire
à la différenciation des fonctions. L’explication spencerienne
est fonctionnaliste. L’analyse
de G. Tarde s’intéresse aux relations entre les individus, comment
naissent-elles ? Comment se propagent-elles ? La société
ne se comprend que si
l’on considère l’individu comme l’élément moteur de sa construction.
Pour lui, l’imitation permet la socialisation mais il explique
peu la genèse de la société, ses structures et ses fonctions.
Ses « lois de l’imitation » lui permettent de tout expliquer
mais est-ce suffisant pour bâtir une théorie sur la société ? |
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