FONCTION DE CONSOMMATION
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Débats
et enjeux autour de la fonction de consommation
La consommation soutenue pendant les Trente Glorieuses et même
jusqu’aux années quatre-vingt, a permis de soutenir la croissance
économique. Ensuite les politiques de rigueur : salariales,
monétaires, budgétaires, ont favorisé la désinflation et
l’augmentation du taux de marge des entreprises. Le chômage
croissant a encouragé la constitution d’une épargne de précaution
au détriment des dépenses de consommation. De nombreuses écoles
de pensée économique se sont affrontées sur la nécessité ou non d’instaurer
des politiques de relance de la demande. L’épargne des
ménages n’est pas suffisante pour stimuler l’investissement,
encore faut-il que des signaux forts soient envoyés aux consommateurs.
Schématiquement, deux grands courants s’opposent, les keynésiens
et les néo-classiques, Keynes
et ses partisans ont une vision macroéconomique où le revenu
se partage entre épargne et consommation. L’autre analyse
privilégie l’étude microéconomique où l’agent adopte un comportement
rationnel et essaie de maximiser sa satisfaction personnelle. La consommation est
l’utilisation d’un bien ou d’un service propre à satisfaire un besoin
des ménages. De cette définition on déduit la fonction de consommation
comme l’étude de l’ensemble des dépenses de consommation qui peuvent
être analysées ou niveau de l’acteur individuel (microéconomie)
ou au niveau des données agrégées (macroéconomie). C’est dans cette
perspective que nous étudierons cette fonction en privilégiant le
cas de la France et aussi des Etats-Unis, dans une période allant
de la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. L’étude
de la fonction de consommation des ménages peut-elle dépasser
les clivages théoriques et politiques ? Que peut-on tirer de
son étude en termes de politiques économiques ? C’est
d’abord pour répondre à ces questions que nous étudierons le point
de vue keynésien sur la fonction de consommation pour ensuite
nous intéresser aux analyses faites à partir de celui-ci et enfin
terminer par le point de vue classique sur cette étude. L’analyse keynésienne
s’oppose à la théorie classique. Dans cette dernière, ce sont les
variables : prix, salaires, taux d’intérêt qui permettent
d’équilibrer les marchés par leurs variations. Dans l’analyse
keynésienne, ce sont les comportements des agents et les décisions
qu’ils prennent ou non qui permettent d’atteindre l’équilibre économique.
L’analyse keynésienne se situe au niveau macroéconomique et
s’intéresse à la consommation agrégée des ménages. Les variables sont
reliées entre elles par des fonctions. Dans l’étude de la
consommation, celle-ci est fonction du niveau et suit une « loi
psychologique » (psychological law). Dans son livre :
La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,
Keynes écrit dans le chapitre 8 : « La propension
à consommer » que pour une augmentation du revenu, la consommation
augmente « mais non d’une quantité aussi grande que l’accroissement
du revenu ». La propension à consommer est la part
du revenu qui sera affectée à la dépense de consommation, le
reste est le « résidu » et correspondra à l’épargne,
partie non consommée du revenu. La relation entre la consommation
et le revenu est stable à court terme dans la théorie keynésienne. Les keynésiens
partent de la stabilité du taux de salaire. En effet, pour
eux, dans leur analyse, le taux de salaire n’est pas une variable
qui subit de fortes fluctuations, il est relativement stable et donne
ainsi à la fonction de consommation de la constance. Pour Keynes,
les salaires sont rigides à la baisse et comme il l’écrit dans
la Théorie générale : « La main-d’œuvre plutôt
que de consentir à une réduction très sensible des salaires, préfère
endurer un certain chômage ». Cette rigidité des salaires
entraîne une certaine constance de la fonction de consommation. Cette
idée, liée à la rigidité du taux de salaire fera l’objet de controverses. Des hypothèses de
Keynes, de nombreux économistes ont pu émettre des réserves et des
critiques. En effet la « loi psychologique fondamentale »
sur laquelle s’appuie Keynes n’est qu’une hypothèse qui n’a pas de
fondements théoriques en économie. Des travaux, notamment
ceux de la Comptabilité nationale d’après-guerre, ont vérifié
empiriquement la fonction de consommation. Ils montrèrent la validité
du raisonnement dans le court terme mais non sur la longue durée.
A court terme, les hypothèses de Keynes sont vérifiées ; la fonction
de consommation est stable et la propension marginale à consommer
est inférieure à un. Comme le souligne G.
Abraham rois, dans son livre en 1986 : Keynes et
la macro-économie contemporaine, des études faites sur la période
1965-1974, validèrent la fonction. De même, l’étude
de J. Kergnets, en 1946, sur une
période plus longue de 1869 à 1938 confirme la théorie Keynésienne
et en particulier : la stabilité de la fonction de consommation,
une propension moyenne et marginale inférieure à l’unité mais elle
invalida la décroissance de la propension à consommer au fur et à
mesure de l’augmentation du revenu. De même, l’étude de la fonction
de consommation en coupe instantanée montre la validité sur le court
terme et la non pertinence sur des séries temporelles de longues périodes. Les vérifications
empiriques ont permis de tester la fonction de consommation keynésienne
et en déduire une confirmation de la théorie sur le court terme mais
non sur le long terme. L’analyse sur longue période n’était pas la
préoccupation principale de Keynes. En effet, on doit à Keynes cette
phrase : « Le long terme est un mauvais guide pour les
affaires courantes. A long terme nous serons tous morts… ».
La fonction de consommation de Keynes fut un sujet de débats et d’enjeux
entre différents courants et écoles de pensée de la science économique.
Certains essayèrent de l’amender, d’autres la réfutèrent. De plus, un autre
économiste, M. Friedman, reprend
cette idée de « résistance » de la consommation par rapport
aux fluctuations du revenu. Pour lui, le revenu est la sommation d’un
revenu permanent et d’un revenu transitoire comme la consommation
est la somme d’une consommation permanente et d’une consommation transitoire.
L’hypothèse de Friedman est de montrer que seul le revenu permanent
est lié à la consommation permanente. Cette relation est stable à
long terme mais s’oppose aux hypothèses de Keynes sur une stabilité
de court terme. Friedman s’attaque ainsi à la théorie keynésienne.
Pour lui, c’est la richesse qui détermine la consommation et
non le revenu courant. Il prend en compte l’ensemble des ressources
du consommateur, le revenu étant une partie de celui-ci. Cette analyse de
la consommation peut-être complétée par d’autres approches. La théorie
du cycle de vie de Ando et Modigliani
permet de comprendre l’évolution des dépenses des individus en fonction
de leur situation personnelle. Les Jeunes peuvent consacrer peu d’argent
à la consommation par manque de moyens et l’absence e revenu. Les
actifs ont des dépenses de consommation importantes, souvent financées
par l’emprunt en début de carrière, les retraités, selon les
auteurs, sont dans une période de désépargne d’où une forte
consommation. La fonction de consommation serait donc liée à un cycle
de vie (Jeunes, Actifs, Retraités) et tiendrait compte à la fois
du revenu courant pour les actifs, accumulé en points retraites pour
les retraités, et aussi de la richesse réelle accumulée. L’analyse
keynésienne s’enrichit d’une étude en termes de cycle de vie. L’analyse connue
sous le nom « d’effet Pigou » peut jouer aussi
sur la consommation et contredire
certaines idées keynésiennes. Pour Pigou, la variation des
prix modifie la valeur des encaisses.
En effet, une baisse des prix augmente la valeur des encaisses
réelles, ce qui peut provoquer un accroissement des dépenses de consommation.
A l’inverse, une forte inflation réduit la valeur des encaisses
réelles acquis, diminue de facto les dépenses de consommation.
Les individus réduisent leurs achats pour maintenir constante la valeur
de leurs encaisses. Pigou s’oppose ainsi
à Keynes sur la stabilité de la fonction de consommation. Un autre phénomène
qui concerne les modifications dans la répartition du revenu national
influence la propension à consommer. Si les entrepreneurs, dans le
partage de la valeur ajoutée apportent une part moindre à l’augmentation
des salaires, les agents, tout en conservant la même propension
à consommer, diminueront leurs dépenses de consommation. L’hypothèse
keynésienne est critiquée, le revenu courant n’est qu’une partie de
la fonction de consommation, pas un déterminant exclusif. Les analyses keynésiennes
sont amendées ou controversées par les économistes. Les recherches
empiriques valident une partie des hypothèses keynésiennes, notamment
dans le court terme mais contrarient celles avancées pour la longue
période. Des analyses plus précises expliquent certains phénomènes
(effet de démonstration, mémoire, encaisses réelles,…), mais ce sont
les théoriciens de l’Ecole néo-classique qui s’opposent le
plus eux idées keynésiennes. L’analysé néo-classique
reposant sur l’interdépendance des marchés (biens, travail,
capitaux, monnaie) qui sont en état d’équilibre temporaire ajustés
par les variations des prix réels, s’oppose aux hypothèses keynésiennes
de la fonction de consommation. Les prix réels égalisent les quantités
offertes et demandées. La fonction de consommation
est étudiée d’un point de vue microéconomique à base de relations
fonctionnelles. La fonction de consommation est une fonction croissante
du revenu. Les consommateurs sont rationnels et déterminent
sans contraintes (budget en particulier) un panier des biens,
celui-ci appartient à une courbe d’indifférence où ils sont
substituables. L’intersection de la droite du budget (à la
tangente) et de la courbe d’indifférence détermine le point d’équilibre. Dans la théorie néo-classique,
il n’existe pas de fonction de consommation collective. La consommation
globale est l’agrégation des consommations individuelles des agents.
C’est aussi une analyse marginaliste qui consiste à raisonner
« à la marge » sur l’ajout d’une unité supplémentaire
d’un bien. Le consommateur in fine doit maximiser sa satisfaction. Les limites de cette
analyse sont les suivantes : J.K.Arrow
montre que l’on ne peut raisonner qu’en termes de droits individuels
et non au niveau d’une fonction collective. La rationalité économique
de la fonction n’est valable qu’au niveau individuel, l’analyse globale
inclut d’autres critères, socio-politiques en particulier. C’est le
théorème du no bridge (pas de pont entre l’individuel
et le collectif). Cette analyse suppose
des acteurs rationnels, maîtrisant l’ensemble des informations (prix
de l’ensemble des biens), ce qui paraît difficile dans notre économie.
C’est un modèle idéal et non une description de la réalité. Elle suppose
des acteurs individuels qui soient autonomes, ce qui est aussi un
point de vue théorique. Des auteurs comme T.Veblen,
J.K.Galbraith ont montré les différentes influences que
pouvaient subir les individus. La
consommation est un déterminant principal de la croissance
économique d’un pays et de nombreux économistes ont souvent étudié
cette fonction. Deux grandes écoles s’opposent sur les analyses théoriques.
C’est d’une part la demande effective qui stimule la production
des entreprises, donc par la suite la distribution de revenus, favorables
à la consommation. La consommation est fonction de l’augmentation
des revenus, proportionnelle ou décroissante suivant les analyses.
C’est d’autre part, un ajustement sur le marché des biens et
services qui détermine, en fonction de l’offre et de la demande, les
dépenses de consommation. Au-delà de l’étude, ce sont deux approches
de la science économique qui s’affrontent. L’objet de l’étude est
un prétexte à la domination d’un « champ » pour reprendre
de Pierre Bourdieu sur le pouvoir
symbolique dans différents domaines de la vie sociale. De cet
affrontement, l’étude de la fonction de consommation devient l’objet
d’enjeux qui dépasse le cadre de l’analyse. |
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