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La
consommation des ménages est un champ commun de l’analyse sociologique
et microéconomique, en quoi ces deux approches diffèrent-elles ?
Jean Baudrillard dans son livre La société de consommation, explique : « La consommation est devenue la morale du monde ». Pour lui, la consommation est une mythologie moderne, elle utilise des valeurs symboliques. Le consommateur dans l’acte d’achat, émet un signe aux autres. L’approche de Baudrillard exprime une recherche sociologique du problème.
Une définition économique de la consommation se résume en réduisant la consommation à une action, où l’on distingue la consommation finale des ménages qui entraîne une destruction du bien et la consommation intermédiaire des entreprises qui permet la production d’autres biens et services. On peut porter sur la consommation un regard anthropologique, économique, sociologique. Faut-il pour
cela opposer les deux approches, rechercher les différences ou
plutôt souligner les complémentarités des deux analyses ? Nous verrons les différences d’approche sur l’étude de la consommation surtout d’un point de vue méthodologique. L’analyse microéconomique utilise les modèles mathématiques, l’approche sociologique est plus « littéraire ». Dans une deuxième partie, nous constaterons que les deux analyses se complètent pour une meilleure compréhension de ce « fait social total » que constitue la consommation. La
consommation est analysée par deux méthodes différentes. Une analyse microéconomique
qui utilise l’outil mathématique et la modélisation. L’approche
microéconomique est plus abstraite et imagine un modèle idéal-typique
du consommateur. Selon le modèle de l’homooeconomicus,
l’individu essaie d’optimiser son action en fonction des ressources
dont il dispose. Le consommateur choisit parmi un panier
de biens, celui qui satisfait le mieux ses goûts tout en
respectant la contrainte budgétaire. La consommation dépend
du revenu du consommateur et des prix relatifs des biens.
Avec différents coefficients, dont l’élasticité-revenu,
on peut calculer la répartition des achats quand le budget
des ménages s’accroît. En 1857, Ernst
Engel émit une loi sur l’évolution de la consommation
qui s’est en grande partie vérifiée. Les dépenses alimentaires
croissent moins vite que le revenu, d’autres progressent au même
rythme (logement, vêtements), certaines augmentent plus vite (santé,
loisirs,…). Les prévisions de consommation tirées de ce modèle
se révèlent fiables à moyen terme. L’analyse microéconomique,
à partir d’un individu virtuel disposant d’un revenu, faisant
des choix rationnels, déduit une loi qui confirme la réalité. L’analyse
sociologique de la consommation fait référence à la notion de
classe sociale. Th. Veblen
dans son livre : Théorie de la classe de loisir, montre
bien la corrélation entre la consommation et la volonté d’expression
d’une différence de classe. L’appartenance à un groupe social
se traduirait dans l’acte de consommer, c’est aussi un moyen de
se différencier. Les travaux de P. Bourdieu
et de L. Boltanski mettent
en évidence le rôle important de la classe dominante dans
sa capacité d’imposer normes et valeurs au monde social.
La classe intermédiaire essaierait d’imiter la classe supérieure
tandis que la classe populaire rejetterait ces valeurs
(« ce n’est pas pour nous ! ». L’individu
n’est plus impersonnel, il n’obéit plus à une logique rationnelle
comme dans l’analyse économique, mais il prend conscience de sa
position dans la hiérarchie sociale et du rôle qu’il peut
jouer pour la modifier. La consommation s’intéresse moins aux
fonctionnalités du produit qu’à la différenciation sociale. Les
deux démarches peuvent-elles converger ? Des analyses qui
se complètent pour une meilleure compréhension. L’économie
peut étudier les faits sociologiques. Un
courant néo-classique contemporain avec
G. Becker considère les dépenses d’éducation, santé
engagées par les ménages comme un investissement en capital
humain. L’individu investit dans ces domaines en fonction
de son rapport à l’avenir et des bénéfices qu’il pense
en retirer. Cette théorie économique analyse un fait sociologique,
comme le choix d’une formation, sous l’angle du rapport investissement-bénéfices.
En 1979, R. Boudon dans
son livre : La logique du social, soulignait
que l’acteur individuel cherche à optimiser ses décisions. Avec
le paradigme de l’individualisme méthodologique,
théorie économique et sociologique se rejoignent pour proposer
l’acteur individuel comme atome logique de l’analyse. Un même
objet : la consommation est étudiée en commun par l’économie
et la sociologie. La
sociologie enrichit l’analyse économique. Pour
la comptabilité nationale, le ménage est défini comme une
unité de consommation. Le célibataire est un ménage. Le
sociologue s’intéresse plutôt à la famille et scrute sa structure
interne (nucléaire, monoparentale, recomposée…). Il examine
les rapports de force dans le ménage en soulignant les différences
entre sexes et générations. L. Roussel
dans son livre : La famille incertaine, notait ces
changements importants au sein de cette institution. L’analyse
économique de la consommation peut s’enrichir de ces différences
au sein de la famille. Un homme célibataire a un revenu inférieur
à celui d’un homme marié alors que c’est l’inverse pour
la femme, sa consommation sera donc différente.
Les couples sans enfants
consomment davantage de services et les familles avec enfants
achètent plus de biens durables… La sociologie apporte à l’économie
une analyse dans le détail, les modèles pourront intégrer ces
différences. De nos jours, nous constatons l’omniprésence du marché et des relations monétaires dans les sociétés occidentales. L’économiste modèlise, spécule, utilise l’outil mathématique, considère l’individu comme un homooeconomicus faisant des choix rationnels. Le sociologue enquête, dissèque, cherche le fait marginal l’exception, dépasse ce modèle trop abstrait. La consommation, « fait social total », objet commun des deux analyses, nous montre bien, que loin de se différencier, ces deux approches se complètent pour une meilleure compréhension de notre vie en société. Un va et vient entre les deux disciplines peut-il se généraliser quel que soit l’objet étudié ? |
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