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ASILES d' Erwing GOFFMAN
1968, traduction
par les Editions de Minuit Titre de l’édition
originale ASYLUMS (1961) Etudes sur
la condition sociale des malades mentaux et autres reclus Présentation
de Robert Castel L’ECOLE DE CHICAGO
« Ce
que les sociologues doivent connaître avant tout est ce qui se
passe derrière le visage des hommes, ce qui rend la vie
de chacun morne ou palpitante ». Le second souffle
de l’école de Chicago, l’INTERACTIONNISME vers 1950, nouveau
courant, élève de Park et
Mead psychosociologue H.
BLUMER (1969) Sociologue du
travail : E. C. HUGHES Anthropologue :
L. WARNER Blumer crée le
terme d’interactionnisme symbolique, Warner propose à Goffman
une thèse d’étude d’une communauté dans une île de l’archipel
des Shetland. « Le
but de la recherche est d’isoler et de fixer des pratiques régulières
de ce que l’on appelle l’interaction face à face ... INTERACTIONNISME Idée que la réalité
sociale ne s’impose pas telle quelle aux individus mais qu’elle
est en permanence modelée et reconstruite par eux à travers les
processus d’interaction. Privilégient
les études monographiques fondées sur l’observation directe,
in situ, et l’observation participante. BECKER
« Les
individus cherchent à ajuster mutuellement leurs lignes d’actions
sur les actions des autres perçues ou attendues ». L’Ecole de Chicago
était contre les méthodes de la sociologie dominante (recueil
de données à l’aide de questionnaire + exploitation statistique). LAZARSFELD, MERTON, PARSONS
Ils répondent
à l’Ecole de Chicago
Qui eux-mêmes
tiennent compte de ces reproches pour améliorer la méthode de
l’observation in situ, centrée sur le terrain. GOFFMAN né le
11 juin 1922 à Mannville, dans l’Alberta, origine modeste,
juive ukrainienne, il mesure 1,65 m, épouse une jeune fille de
la haute société protestante, sensible, intelligent. Ses parents,
Max et Anne sont nés en Russie et s’installent à Dauphin
(1ère colonies ukrainiennes du Manitoba),
Esprit taquin,
souvent cruel, on l’appelle « little dagger »
(petit poignard). Goffman sera
marqué par Everett HUGHES. Hughes
développe sa propre tradition, construire une sociologie des « occupations »,
comment les gagnent-ils et/ou remplissent-ils leur vie ? Pour Hughes,
utiliser le terme « profession », c’est entrer
dans le jeu de ceux qu’on observe parce que c’est un « symbole
d’une conception rêvée de son travail et dès lors de soi-même ».
Il faut encore une fois, être sur le terrain, sinon avoir vécu
soi-même dans la situation du « boulot » étudié. Assimilation
de la démarche anthropologique, Hughes :
le sociologue doit être « l’ethnologue de son propre temps ». Les caractéristiques
des institutions totalitaires Goffman vit pendant
un an au contact des malades mentaux à l’hôpital psychiatrique
Sainte Elizabeth à Washington entre 1955/56 (7000 malades). Il se laissera
souvent enfermer la nuit dans l’hôpital pour vivre pleinement
l’institution qu’il appellera TOTALE (ou TOTALITAIRE).
Mais il ne cherche pas à tromper le personnel ou les patients
sur son statut. Il ne dissimule
pas qu’il n’est pas un des malades mais il ne porte pas l’uniforme
blanc du personnel, il est en tee-shirt, jeans et baskets, d’où
une certaine ambiguïté (surtout quand il enlève ses baskets). « Je
suis rentré à l’hôpital dans le rôle d’un assistant du directeur
des sports et, de ce rôle, dans celui d’une personne faisant une
étude sur la vie communautaire et l’animation des patients ». « Je
me suis habillé comme un patient, j’ai mangé avec eux, et je les
ai fréquentés . ». Pendant un an,
il va d’un pavillon à l’autre, sans but précis que celui d’« étudier
d’aussi près que possible la faon dont le malade vivait subjectivement
ses rapports avec l’environnement hospitalier ». Goffman reprend
la même démarche de sa thèse de doctorat : « Je
ne me suis permis à aucun
moment de prendre parti si peu que ce fût ». « Et
notre boulot, c’est de pénétrer au cœur de cette vie sociale,
l’arrière-cour de l’hôpital psychiatrique. » « J’ai
étudié l’hôpital du point de vue du malade » « A
travers les yeux de quelqu’un qui ne pouvait pas voir grand chose,
n’étant pas malade… à travers les yeux de l’observateur ». Il reconnaît
des limites : « Décrire
fidèlement la situation du malade, c’est nécessairement en proposer
une vue partiale ». « Je
suis arrivé à l’hôpital sans grand respect pour la psychiatrie ». Goffman définit
une institution totalitaire (total institution)
comme un « lieu de résidence et de travail où un grand
nombre d’individus placés dans la même situation, coupés du monde
extérieur … mènent ensemble une vie recluse dont les modalités
sont explicitement et minutieusement réglées ». Définition des
reclus = personnes enfermées dans un hôpital psychiatrique
mais aussi une prison, un couvent, une école, un navire de guerre,
une caserne,… Isolement
des personnes dans un univers claustral avec des hauts
murs, barbelés, portes verrouillées,… Dans une institution
totalitaire, il y a :
Le reclus vit
toujours à l’intérieur de l’établissement et a des rapports limités
avec l’extérieur. Le temps du reclus
est à la disposition du personnel. Goffman oppose
vie communautaire (mangent et dorment dans le même lieu)
à la vie de famille. Les changements
pour le patient : déculturation, désadaptation, individu incapable de faire
face aux situations de la vie quotidienne. Notion de CARRIERE
morale Modification
progressive, cérémonie d’admission, dépouillement,… « De
toutes les possessions, la plus chargée de sens est sans doute
le nom dont la perte peut constituer une grave mutilation de la
personnalité ». Dégradation de
l’image de soi, nudité imposée, promiscuité, absence de portes
aux toilettes,… Toujours quelqu’un
susceptible de vous voir. L’embrigadement,
droit de sanction des
membres du personnel, perte d’autonomie : aliénation. LES ADAPTATIONS SECONDAIRES Pour obtenir des satisfactions interdites ou autorisées
mais avec des moyens défendus : « Le
reclus y voit la preuve importante qu’il est encore son propre
maître et qu’il dispose d’un certain pouvoir sur son milieu ». Goffman insiste
surtout sur la « déculturation », perte des habitudes
courantes exigées par la vie en société plus le fait de porter
les stigmates de l’institution ‘à la sortie du reclus), séquelles
de la réclusion, si besoin de travail. « La
libération survient en outre souvent au moment même où le reclus,
enfin rompu aux ficelles de l’institution,… venait d’accéder aux
privilèges… quitter les sommets de son petit monde pour le renvoyer
aux bas fonds d’un univers plus vase ». LE CONCEPT DE CARRIERE
Souvent utilisé
dans l’entreprise, Acception
plus large : pour qualifier le contexte social dans lequel
se déroule la vie de tout individu ou s’attache aux modifications
durables. Pour Goffman,
il implique une ambiguïté : « D’un
côté, il s’applique à des significations intimes que chacun entretient
précieusement et secrètement, image de soi et sentiment de sa
propre identité ; de l’autre, il se réfère à la situation
officielle de l’individu, à ses relations de droit, à son genre
de vie et entre ainsi dans le cadre des relations sociales ». Mouvement de
va-et-vient du privé au public, du moi à l’environnement social, « Comportement
anormal attribué au malade résulte pour une grande part, non de
sa maladie, mais de la distance sociale qui sépare le malade de
ceux qui le déclarent tem ». La carrière du
malade mental passe par trois phases : 1 – Période antérieure
à l’entrée à l’hôpital 2 – Période de
séjour « phase hospitalière » 3 – Période qui
suit la sortie de l’hôpital, « phase post-hospitalière » LA VIE CLANDESTINE D’UNE INSTITUTION TOTALITAIRE « En
franchissant le seuil de l’établissement, l’individu contracte
l’obligation de prendre conscience de la situation, d’en accepter
les orientations et de s’y conformer… il fonde de toute évidence
son attitude envers l’établissement et implicitement la conception
de lui-même que lui offre cet établissement ». « Prescrire
une activité, c’est prescrire un univers, se dérober à une prescription,
ce peut être se soustraire à u ne identification ». Organisation,
institution impose : 1 contrainte + contrainte où l’être
lui-même (obligation d’avoir tel trait de caractère) , les difficultés
de la distinction, Dans l’hôpital
psychiatrique deux types principaux d’agents : le personnel
et les reclus, les modes d’adaptation secondaires sont différents, Le personnel
emploie des malades comme jardiniers, garde d’enfants, pour faire
les commissions, réparations… Méthode
de Goffman : « Mettant
mes observations en parallèle chaque fois que cela sera possible
avec celles qui ont été faites dans d’autres types d’établissement
… et je passerai donc librement de l’étude de cas à l’analyse
comparative… » Tout groupe possède
un monde social. Quand 20 ou 30 individus sont forcés à vivre
ensemble, ils ont vite un monde à eux, et
notre boulot c’est d’y pénétrer et de le décrire aussi
finement que possible. Objectivité :
forme d’engagement, Asiles est écrit du point de vue des
internés, à partir de leur cadre de référence. Difficulté d’être
à la fois du côté du « soignant » et du côté
du « soigné » (du gardien et du gardé). Goffman a fait
une description prosaïque de l’existence à l’hôpital telle que
la vivent les malades : « l’existence
journalière de quartiers dans le temps figé de la détention » « pointillisme
de l’observation » « la
multitude des conduites apparemment dénuées de sens qu’il faut
d’abord répertorier comme elles se présentent, par fragments brisés ». L’institution
représente l’unité réelle d’analyse. « L’institution
totalitaire représente toujours la figure monstrueuse de l’inhumanité…
elle caricature la vie sociale normale… ». « L’institution
totalitaire et en effet à la fois un modèle réduit, une épave
et une caricature de la société globale… ». CONCLUSIONS Goffman
est favorable aux méthodes qualitatives et à l’observation
participante. L’institution
asilaire possède un objet doté d’une réalité sociale. Il
a découvert qu’à côté du règlement officiel de l’asile
et de son but thérapeutique : soigner les malades, s’était
établie une organisation parallèle interne. Pour
assurer le fonctionnement de l’institution s’était créé (chez
les malades et les gardiens), un ensemble de coutumes,
de règles, de hiérarchies, plus réelles et efficaces
que l’organigramme et les règlements affichés. Goffman
a construit l’objet sociologique : le système de relations
à l’intérieur de l’asile. Système qu’il a pu généraliser à l’ensemble
des institutions de ce type, caserne, internat, où interviennent
les mêmes facteurs dans des situations comparables. L’institution totale réalise un système d’interactions qui contribue à produire le LABEL malade mental. Les adaptations secondaires représentent pour l’individu le moyen de s’écarter du ROLE et du personnage que l’institution lui assigne. |
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